François Parisis (Banque Transatlantique): “Cette nouvelle taxe manque de cohérence”

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Selon le juriste patrimonialiste, la nouvelle taxe sur les comptes-titres a de fortes chances d’être recalée par le Conseil d’Etat. 3 questions à François Parisis.

1. A peine annoncée, la nouvelle taxe sur les comptes-titres a déjà du plomb dans l’aile, à cause notamment de sa mesure anti-abus. En quoi consiste cette mesure?

C’est une disposition comparable à celle qui figurait dans la loi instaurant la précédente taxe sur les comptes-titres, mais sa portée est plus large. Elle laisse notamment la possibilité au contribuable de démontrer que l’opération qu’il a mise en place n’est pas exclusivement motivée par des raisons fiscales. Exemple: la division d’un compte en plusieurs comptes pour passer sous le seuil d’un million d’euros. Un avis relatif à l’introduction de la nouvelle taxe a été publié au Moniteur belge à cet effet. Il signale le 30 octobre 2020 comme date de prise de cours de cette nouvelle disposition anti-abus. A compter de cette date, les initiatives prises par les contribuables afin de se soustraire à la future taxe sont sans effet, à moins qu’elles se justifient également par des raisons autres que la volonté d’éviter la taxe (diversification dans la gestion d’un portefeuille, donation aux enfants, etc.).

2. Certains estiment que la disposition sera sans effet. Pourquoi?

Parce que les banques qui auront la responsabilité de prélever la taxe ne sont pas juges des raisons qui motivent leurs clients à mettre en place un mécanisme d’évitement de celle-ci. Les banques n’ont pas pour mission de traquer l’abus fiscal. Quant au fisc, il est pour l’heure dans l’impossibilité de débusquer ceux qui cherchent à se soustraire à cette taxe. Rappelons que les soldes des comptes bancaires ne seront pas communiqués au point de contact central de la Banque nationale avant de nombreux mois. De toute manière, ils ne devraient pas pouvoir être consultés sans raison valable par le fisc.

3. Ce n’est du reste pas le seuil écueil?

D’autres points comme le seuil du million d’euros par compte et non par titulaire, ainsi que l’exclusion des titres nominatifs du champ d’application de la taxe risquent d’être recalés par le Conseil d’Etat. On a l’impression que le monde politique n’apprend pas de ses erreurs. Cette taxe sur les comptes-titres bis a été rédigée dans la précipitation. Entre les intentions clairement exprimées dans l’accord de gouvernement (taxer les épaules les plus larges) et la traduction de celles-ci dans cet avant-projet de loi instaurant une taxe de solidarité, il y a tout de même pas mal d’incohérences. Le ministre des Finances avait sans doute raison de se laisser du temps jusqu’en mars 2021 pour réfléchir à cette taxe. Les impératifs budgétaires ont sans doute poussé le gouvernement à sortir ce texte mal fagoté dès cet automne.

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