Fonds vert climat: de grandes attentes, et bien des incertitudes

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En haut d’un gratte-ciel coréen s’activent les animateurs d’une organisation clé, mais sérieusement grippée: le Fonds vert de l’ONU pour le climat, “épicentre” de l’action mondiale contre le réchauffement.

Digues pour les îles Marshall, fonds d’investissement agricole en Afrique, toits solaires en Inde… Le principal fonds climat au monde, à destination des pays en développement, a depuis sa mise en route en 2015 engagé 3,5 milliards de dollars dans 74 projets.

Une toute petite portion des 100 milliards annuels de financements globaux promis par les pays du Nord pour que le Sud s’adapte au réchauffement et se développe sur des énergies propres. Mais un soutien majeur pour des projets peu rentables ou incertains.

Ce fonds, géré de manière inédite à la fois par les donateurs et les bénéficiaires, avait été promis par les pays riches à la conférence de Copenhague (2009). Incarnant la confiance entre le Sud et le Nord, responsable historique du réchauffement, sa création a été essentielle au processus des négociations climat.

Le Fonds vert, “c’est l’épicentre de la mise en oeuvre de l’accord de Paris” de 2015 contre le réchauffement, dit à l’AFP Javier Manzanares, son directeur par intérim.

“Son soutien peut être vital”, témoigne le Maldivien Amjad Abdulla, négociateur climat des Etats insulaires, dont le pays fut l’un des premiers bénéficiaires: “Un projet pour alimenter en eau des milliers de personnes sur des atolls de plus en plus frappés de sécheresse”.

“Ce mécanisme permet de réaliser des projets à hauts risques, ouvrant la voie par exemple à de nouvelles technologies,” et à des financements privés, ajoute le Néerlandais Jacob Waslander, ex-membre du conseil d’administration. “Sans ça, impossible de réaliser l’accord de Paris”.

Retrait américain

A Incheon, le QG se prépare à monter en puissance, avec 250 personnes à la mi-2019 (contre 210 aujourd’hui), chargées d’accompagner et évaluer les projets.

“Nous sommes prêts à traiter 4 à 5 milliards de dollars par an”, et plus encore à l’avenir, annonce M. Manzanares.

Problème: le Fonds traverse une crise, révélée en juillet par un conseil d’administration incapable de s’accorder sur aucune décision ni aucun des 20 projets présentés.

“Peut-être est-ce l’approche de la recapitalisation qui génère ces tensions”, suggère le directeur.

Quand renflouer le Fonds, doté initialement de 10 milliards de dollars (8 après que Washington fut revenu sur son engagement)? Le timing et la méthode divisent pays du Nord et du Sud, répartis à parts égales au CA.

Outre les Etats-Unis, Tokyo, Paris, Londres, Berlin avaient contribué chacun à hauteur d’environ un milliard en 2015, avant la COP21. Qu’en sera-t-il cette fois? Qui pour compenser le retrait américain?

Les Etats-Unis restent présents au CA, avec trois représentants différents en 18 mois et une position immuable, résumée par des témoins: “celui qui paie décide”.

Pour la recapitalisation, “nous pouvons commencer le travail” et “proposer un calendrier de réunions”, souligne M. Manzanares, espérant des annonces fin 2019 après un sommet climat “crucial” prévu en septembre à l’ONU.

“Que ce truc marche!”

En attendant, les appels à réformer la gouvernance du Fonds se multiplient. Parce qu’en cas d’impasse dans la prise de décision par consensus, il n’y a pas d’alternative. Le sujet, déjà mis sept fois à l’ordre du jour du CA, avancera-t-il au prochain, à Bahreïn, cette fin de semaine?

“Le Fonds vert n’est pas assez efficace, même s’il s’est amélioré, et il n’est pas assez financé”, dit Lidy Nacpil, observatrice au CA au nom de la société civile des pays en développement.

“Le grand sujet est que le Fonds soit opérationnel: que ça décaisse vite, que ce soit des projets innovants et que ça aide les pays”, dit Laurence Tubiana, co-architecte de l’accord de Paris, espérant “un réveil”, “que chacun se dise +il faut que ce truc marche!+” et une implication politique à plus haut niveau.

“C’est petit, le Fonds vert. Mais ses projets doivent être emblématiques, montrer que les investisseurs privés peuvent s’y retrouver”, plaide-t-elle.

Alors crise de croissance ou crise plus profonde de confiance entre Nord et Sud qui pourrait nuire aux négociations climat et la COP24 en décembre?

Javier Manzanares espère des prochains CA qu’ils calment les tensions, rendent possibles des décisions à la majorité, délèguent l’approbation de projets au secrétariat. “Il faut du temps pour construire une équipe. Mais je suis confiant.”

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