Fermetures covid : Modrikamen propose aux entreprises d’aller en justice, Nyst (UCM) ne le suit pas
L’avocat met en route une action collective pour réclamer des dédommagements. Le président de l’Union des classes moyennes ne trouve pas la démarche opportune et explique à Trends tendances pourquoi il mise sur la résilience.
Revoilà Mischaël Modrikamen. Après un détour controversé par la politique, à la tête du Parti populaire, l’homme a retrouvé son costume d’avocat et avoue en être fort aise, tant il a accumulé les coups dans sa parenthèse publique. Ce n’est pas pour autant qu’il abandonnera la controverse ou l’amour des projecteurs.
L’ancien défenseur des petits actionnaires dans l’affaire Fortis a relancé en début d’année une action en dédommagement dans cette vieille affaire pour réclamer sept milliards à l’Etat. Mais il entend désormais lancer une autre action collective pour réclamer des dédommagements pour les entreprises contraintes de fermer ou de limiter leurs activités durant la pandémie de Covid.
L’initiative ne reçoit pas l’assentiment de Pierre-Frédéric Nyst, patron de l’Union des classes moyennes. Pour lui, une telle action durera longtemps, coûtera cher et risque bien de ne pas porter ses fruits. Il privilégie la “résilience” et la capacité à rebondir.
Modrikamen : “Des mesures illégales et disproportionnées”
Modrikamen passe donc à l’action, du moins l’annonce-t-il.
“En 2020 et 2021, les hôtels, café et restaurants, les métiers de contacts (les coiffeurs, …), le monde du spectacle et de la culture, du sport, de nombreux commerces, se sont vus brutalement imposés la fermeture pure et simple ou des restrictions qui ont lourdement impacté leurs activités, explique Mischaël Modrikamen. Des centaines de milliers d’indépendants, d’entreprises, d’associations, prospères, se sont du jour au lendemain retrouvés dans de lourdes difficultés, voire la précarité. Ces mesures étaient illégales, disproportionnées et surtout inutiles.”
“Certes, poursuit l’avocat, l’État au sens large a octroyé des indemnités, des droits passerelles, le chômage temporaire. Mais ces compensations sont dans de nombreux cas loin de compenser les pertes encourues en 2020 et 2021 qui affectent encore aujourd’hui les entreprises. Certaines sont au bord du dépôt de bilan ou lourdement endettées.”
D’où son action collective qui se veut massive : “De nombreux indépendants, associations ou entreprises veulent récupérer ces pertes et agir en justice contre ceux qui ont conseillé ces mesures où les ont imposées. Les procédures en justice sont complexes et onéreuses. C’est pourquoi j’ai accepté de lancer une grande action collective en fédérant un maximum de plaignants. Ceci devrait permettre de maintenir le coût très abordable pour un maximum de plaignants.”
Concrètement, pour pouvoir participer à cette action collective, les entreprises devront payer un honoraire évalué à 1% de leur dommage, avec un minimum de 400 euros et un maximum de 4.000 euros. En plus de l’État, l’avocat envisage de citer les consultants ayant conseillé les autorités, a précisé l’avocat lors d’une conférence de presse, sans en dire plus à ce stade. Cette action, précise-t-il encore, pourrait être introduite après l’été devant le tribunal de première instance ou le tribunal de l’entreprise en fonction de la qualité des défendeurs.
Nyst : “Trop long, trop cher, pas prouvé”
Pierre-Frédéric Nyst, président de l’Union des classes moyennes, émet de sérieuses réserves au sujet de cette action : “C’est évidemment son droit le plus strict d’affirmer que le lockdown était illégal et inefficace. C’est forcément son présupposé s’il veut obtenir des dommages. Mais la justice ne l’a jamais confirmé jusqu’à présent. Personnellement, je ne suis pas favorable à cette action. A sa place, je ne l’aurais pas fait. Ce sont des actions qui vont durer longtemps, qui vont coûter fort cher et, je le répète, dont le fondement n’est pas prouvé.”
Pierre-Frédéric Nyst privilégie pour sa part une autre approche : “Je mise pour ma part sur ce que j’appelle la résilience. Nous avons vécu évidemment des moments très difficiles à partir du moment où l’on a reçu cette nouvelle de fermeture, mi-mars 2020. Mais la plupart des indépendants et PME ont respecté la décision. Nous avons été aidés par les gouvernements à tous les niveaux de pouvoir pour faire le gros dos et traverser la crise. La résilience, cela consiste bien sûr de reconnaître ce qui ne va pas bien, mais aussi de développer une action pour y répondre.” Une procédure en justice, selon lui, ne permettrait pas de le faire en toute sérénité.
“Nous avons énormément travaillé avec les ministres David Clarinval (MR) au fédéral, Willy Borsus (MR) en Wallonie et Barbara Trachte (Ecolo) à Bruxelles pour mettre en oeuvre les mesures de soutien à l’économie et les prolonger. Je me vois mal leur faire aujourd’hui un pied de nez en défendant un tel recours.” Le président de l’UCM reconnaît que le fondement de certaines décisions – notamment à l’encontre des métiers de contact – lui a posé question, mais la dialogue a eu lieu avec le ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke (Vooruit) et avec le recul, “il n’avait ni tout à fait tort, ni tout à fait raison”.
Le patron des Classes moyennes reconnaît aussi que la situation actuelle est difficile avec l’explosion des coûts de l’énergie, l’indexation automatique des salaires et les conséquences de la guerre en Ukraine. Mais il ne s’agit pas de faire l’amalgame. “Quand un indépendant voit sa facture d’électricité exploser de 17000 à 47000 euros, quand un boulanger dit qu’il devrait faire passer le prix de son pain de 2,5 à 5 euros, il est évident que l’on doit trouver des solutions. Ce n’est pas facile. L’indexation automatique des salaires est une vraie préoccupation, n’en déplaise aux syndicats qui parlent de rattrapage : pour nous, c’est un coût direct. Les partis de gauche affirment que tout va bien pour le Bel 20, mais ne voient pas combien les PME trinquent.”
Pour autant, pas de soutien à cette démarche judiciaire qui vise surtout “à faire un coup de communication”.
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