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Faut-il fermer les frontières ou mieux contrôler ceux qui les passent pour arrêter la propagation du coronavirus?

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

J’avais évoqué la proposition de Marine Le Pen de rétablir le contrôle aux frontières pour lutter contre le coronavirus. L’idée a fait grand bruit en France et ailleurs, car elle semble être une idée de bon sens, quelque chose de très logique. Comme le coronavirus voyage avec des personnes, interdire le déplacement de ces personnes devrait donc permettre de limiter la propagation du virus. La démonstration semble implacable, sauf qu’elle n’est pas réaliste !

Selon les experts interrogés par les médias, certains ont dit, à mes confrères du Figaro, que maintenant que le virus est sorti de son berceau chinois, ce genre de mesure pourrait ralentir sa propagation de quelques semaines, mais restriction de voyage ou pas, les personnes trouvent toujours un moyen détourné de se rendre à leur destination. Bref, ils contournent les frontières officielles !

D’autres experts rappellent qu’il s’agit moins de contrôler la circulation de personnes (comme c’était le cas lors de la vague d’attentats de 2015-2016) que d’arrêter la propagation d’un virus. Or, comme le rappellent d’autres experts à mes confrères du Monde, le stade avancé de l’épidémie, les temps d’incubation et le manque de fiabilité des diagnostics rendent illusoire l’idée d’une détection parfaite aux frontières. Il faut rappeler que l’Italie, par exemple, a été l’un des premiers pays (avec les USA, la Russie, le Japon et l’Australie) à diminuer ses échanges avec la Chine, mais en vain, visiblement !

D’autres experts, comme l’épidémiologiste Antoine Flahaut, directeur de l’Institut de Santé globale de l’université de Genève, rappelle qu’il y a déjà eu beaucoup de simulations avec des modèles mathématiques pour vérifier l’efficacité de la fermeture des frontières. Et le résultat de ces travaux scientifiques, c’est que cette fermeture des frontières serait inefficace et très compliquée à mettre en oeuvre parce que “les virus n’ont pas de passeport et peuvent passer les frontières”. Dans le cas de la Suisse, ce spécialiste démontre même que ce serait en quelque sorte suicidaire. Pourquoi ? Parce la Suisse emploie de nombreux travailleurs frontaliers, et donc fermer les frontières helvètes rendrait impossible le fonctionnement des hôpitaux à Genève comme dans le Tessin, pour la simple raison que beaucoup d’infirmières ou d’aides-soignantes sont italiennes ou françaises et vivent en Italie, en France ou en Allemagne.

Bien entendu, tous ces commentaires avisés et documentés n’empêcheront pas que des hommes ou des femmes politiques demandent qu’on rétablisse un plus grand contrôle aux frontières, pour la simple raison que c’est payant électoralement. Les politiques au pouvoir le savent et c’est pourquoi ils communiquent beaucoup autour du virus et essaient de prendre des mesures fortes ou de donner l’impression qu’elles sont fortes pour rassurer leurs concitoyens. Autrement ces derniers pourraient le leur faire payer dans les urnes… Le débat est donc loin d’être terminé car il y a la réalité et puis la perception que l’on s’en fait. Nous sommes clairement dans un monde de communication où la perception prime nettement sur la réalité !

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