Face au protectionnisme américain, Ursula von der Leyen pour un fonds européen de soutien à l’industrie

La présidente de la Commission manie carotte et bâton face aux Etats-Unis et à leur paquet de soutien à l’industrie US. Elle invite l’Europe à en faire plus pour soutenir son industrie, en reprenant son idée de fonds de souveraineté

Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a livré pour la première fois ce week-end une critique circonstanciée du paquet d’aide à l’industrie américaine que l’administration Biden a fait passer fin août. Ce paquet, baptisé Inflation Reduction Act (IRA), s’élève à 370 milliards de dollars environ, et risque de déstabiliser fortement l’industrie européenne.

Concurrence déloyale

Pour la présidente de la Commission, qui s’exprimait ce dimanche au collège de l’Europe à Bruges, “il existe un risque que l’IRA puisse conduire à une concurrence déloyale, puisse fermer des marchés, et fragmente les mêmes chaînes d’approvisionnement critiques qui ont déjà été éprouvées par la crise de la COVID-19”. “Nous devons considérer trois aspects qui posent des défis particuliers, ajoute-t-elle. Premièrement, la logique “Buy American” qui sous-tend une partie de l’IRA. Deuxièmement, les allégements fiscaux qui pourraient conduire à une discrimination. Et troisièmement, les subventions à la production qui pourraient entraîner une course aux subventions.” Cela semble technique, mais c’est plus facile à comprendre avec un exemple, poursuit Ursula von der Leyen : “Si vous êtes un consommateur aux États-Unis, vous bénéficiez d’un allégement fiscal lorsque vous achetez des véhicules électriques, si ceux-ci ont été fabriqués en Amérique du Nord, dit-elle. Et si vous êtes un producteur de batteries pour ces mêmes véhicules électriques, vous obtenez un allégement fiscal si vous produisez aux États-Unis. Cela signifie qu’un constructeur automobile obtient un double avantage pour la production en Amérique du Nord et l’achat de pièces aux États-Unis. Qui plus est, cela pourrait également attirer des composants et des matières premières critiques vers les États-Unis, et les éloigner des chaînes d’approvisionnement transatlantiques. (…) Nous avons tous entendu les histoires de producteurs qui envisagent de relocaliser leurs futurs investissements de l’Europe vers les États-Unis, ajoute-t-elle”

Simplifier et étendre les aides d’Etat

Pour la patronne de la Commission, la réponse de l’Europe se jouera sur trois terrains.

“Premièrement, nous devons adapter nos propres règles pour faciliter les investissements publics dans la transition”. Il s’agit, en gros, de simplifier les règles d’aides d’Etat et d’étendre leur champ d’application. Dans l’hydrogène, par exemple, un premier paquet d’aides d’Etat de 5,4 milliards d’euros a été approuvé, mais il concerne surtout des projets de première phase d’industrialisation. Ils permettent, en gros, de passer du laboratoire à l’usine. L’objectif est de permettre aux Etats-membres d’étendre, comme le fait l’IRA aux États-Unis, ces aides à toute la chaine, jusqu’à la production et la consommation, afin de construire et rentabiliser une véritable filière.

“Deuxièmement, poursuit Ursula von der Leyen, nous devons réévaluer la nécessité d’un financement européen supplémentaire de la transition”. Il s’agit ici, notamment, de renforcer le plan RePOwerEU, lancé après la guerre en Ukraine, qui vise à économiser l’énergie, diversifier l’approvisionnement et accélérer l’essor des renouvelables.

Un fonds pour l’industrie

Mais à plus long terme, Ursula von der Leyen, mais aussi le Commissaire Thierry Breton dans un entretien dans le “Journal du Dimanche”, plaident pour la création d’un nouvel outil de soutien à l’industrie. “Dans mon discours sur l’état de l’Union, j’ai soumis l’idée de créer un fonds de souveraineté, rappelle la présidente de la Commission. La logique derrière est simple : une politique industrielle européenne”. Ce fonds, dit-on dans les couloirs du Berlaymont, pourrait déjà bénéficier des budgets existants mais non alloués. Mais Ursula von der Leyen estime qu’il faudra aussi dégager de nouveaux moyens afin de renforcer “les ressources disponibles pour la recherche, l’innovation et les projets stratégiques en amont au niveau de l’UE. Cela implique, d’une part, des financements nouveaux et supplémentaires au niveau de l’UE. Et, d’autre part, un niveau plus élevé de coordination des politiques, comme pour l’hydrogène, les semi-conducteurs, l’informatique quantique, l’intelligence artificielle et la biotechnologie”.

Coopération versus confrontation

Et puis, troisième champ d’intervention : la diplomatie. “Nous devons travailler avec les États-Unis pour aborder certains des aspects les plus préoccupants” de leur IRA, affirme Ursula von der Leyen qui dit “privilégier la coopération plutôt que la confrontation”. Elle observe que l’Europe et les Etats-Unis ont des intérêts alignés sur bien des points et reprend l’exemple des véhicules électriques. “En Europe, nous venons d’accepter d’éliminer progressivement le moteur à combustion d’ici à 2035. Cela signifie que les nouveaux véhicules vendus après 2035 seront exclusivement électriques. Il existe aux États-Unis des engagements réglementaires similaires. Et dans le même temps, la Chine subventionne massivement ce secteur. Par conséquent, nous, les États-Unis et l’UE, avons un immense intérêt commun à préserver notre leadership industriel”.

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