Face à la crise, Rudy Aernoudt présente son “vaste programme”

Que faudrait-il pour redonner au pays un souffle nouveau ? Le livre de Rudy Aernoudt fourmille de propositions, mais au-delà de leur nombre et de leur pertinence, elles sont aussi interdépendantes. L’électrochoc que l’économiste veut faire subir au pays est en effet total, embrassant à la fois les domaines politique, financier, économique et culturel. En voici un échantillon.
D’abord, il s’agit de réduire le poids de l’Etat en faisant tomber nos dépenses publiques de 52% à 42% du PIB. C’est une simple exigence d’efficacité : pas question de réduire l’Etat là où son intervention fonctionne, comme la santé, mais là où cela ne fonctionne pas, c’est-à-dire là où le marché n’est pas efficace et où l’Etat peut mieux faire.
Un des freins à l’efficacité de l’Etat est le poids de l’administration. Elle est pléthorique, politisée et inefficace. L’administration pèse en Belgique l’équivalent de 22,5% du PIB, alors que la moyenne de l’Union européenne est de 19,1%. Elle est régie par de vastes cabinets ministériels (le pays compte 4.500 cabinettards) qui ” privilégient l’intérêt partisan à l’intérêt général “. Le problème s’amplifie encore avec la réforme de l’Etat. Rudy Aernoudt propose de réduire l’administration d’un tiers et de simplifier la structure de l’Etat en ne conservant que trois niveaux : le fédéral, le régional, le communal, de faire de Bruxelles une région bilingue et d’organiser les élections fédérales au niveau national afin que les partis qui s’adresseraient alors à l’ensemble du pays proposent des programmes qui s’attachent à l’intérêt de tout le pays et pas seulement d’une communauté linguistique.
Par ailleurs, l’administration est également un frein en raison du statut privilégié du fonctionnaire, qui est nommé à vie, dont la retraite est plus élevée que celle des travailleurs du privé et dont le statut empêche une mobilité entre public et privé. L’économiste propose donc de fondre tous ces statuts (employés, ouvriers, fonctionnaires) en un seul avec, notamment, les mêmes droits à la retraite.
Rudy Aernoudt plaide pour l’instauration d’un taux d’imposition unique de 21%, qui s’attacherait à l’ensemble des revenus (mobilier, immobilier, travail). Il n’y aurait pas de progressivité de l’impôt. Seulement une absence d’imposition en dessous d’un certain seuil de revenus. Mais cette absence de progressivité serait compensée par une politique de redistribution et d’aide aux plus démunis, passant notamment par la mise en place d’une pension légale décente pour tous. Ce taux de 21%, en raison des effets positifs indirects qu’il induirait puisqu’il simplifierait grandement la collecte de l’impôt, réduirait les incitations à la fraude fiscale et doperait la consommation et les investissements.
Rudy Aernoudt le dit, il n’est pas un anti-mondialiste. Mais il est en faveur de la relocalisation de certaines activités et le développement d’une économie de proximité. Il veut une économie plus résiliente en réduisant, notamment, notre dépendance à l’étranger pour la fourniture de produits stratégiques et en incitant les entreprises à mettre en place un modèle d’affaires ” durable ” plus susceptible à la fois de résister aux chocs et d’attirer les jeunes talents.
Rudy Aernoudt plaide aussi pour une revalorisation du travail au moyen de quatre mesures clés : ne plus donner d’indemnités de chômage à vie, obliger un demandeur d’emploi à accepter un travail (sinon il n’a plus droit au chômage), supprimer les pièges à l’emploi et repenser le rôle des syndicats : ” Au lieu de défendre les droits des chômeurs, qu’ils (re)deviennent les avocats du droit au travail “.
Rudy Aernoudt souligne l’importance de la migration : ” l’âge moyen des migrants est de 28 ans, celui des Belges, de 43 ans. Les migrants forment donc un remède contre le vieillissement de la population “. Mais il souligne aussi la nécessité d’accroître leur taux d’emploi. ” Un contrôle strict, un accès sélectif au système de sécurité sociale – moyennant la preuve d’une expérience professionnelle – et une politique d’activation et d’orientation digne de ce nom devraient nous permettre d’y arriver. ”
Et puis, last but not least, l’esprit d’entreprise n’est pas assez valorisé chez nous. Cela passe par les réformes décrites plus haut mais également par un meilleur enseignement et un changement de mentalité. ” Parmi les raisons les plus citées par les jeunes, note-t-il, lorsqu’on les interroge sur leur frilosité à franchir le pas de l’entrepreneuriat, on retrouve leur incapacité à identifier les opportunités qui s’offrent à eux. Nous devons donc démontrer, par toutes sortes d’initiatives, que le monde, et en particulier le monde post-corona, regorge d’opportunités. ” Car l’entreprise est le lieu de la création de richesse. Un Etat agile, des hommes politiques davantage mus par la recherche de l’intérêt général, une société décloisonnée, plus inventive, plus juste et libérée du poids d’un Etat trop pesant…. Voilà ce que le Covid-19 pourrait nous laisser en héritage. ” Vaste programme “, aurait commenté le général de Gaulle.
À ce sujet, lire aussi : Rudy Aernoudt: “Il y a trop d’Etat, et cela tue l’initiative privée” (entretien)

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici