Explort repart à l’étranger: le point avec Pascale Delcominette (Awex) et Marie-Kristine Vanbockestal (Forem)

© MICHEL HOUET

Le programme de formation et de stages en commerce international, mis au frigo durant la crise sanitaire, est relancé pour le second semestre et doit contribuer au plan de relance wallon. Le point avec Pascale Delcomminette, administratrice déléguée de l’Awex, et Marie-Kristine Vanbockestal, administratrice générale du Forem.

Lancé en 2006 par l’Awex avec la contribution du Forem, le programme Explort est un succès. Quelques chiffres le confirment. Depuis 15 ans, on recense pas moins de 8.000 stagiaires, 2.600 missions individuelles, plus de 1.200 entreprises participantes et 130 pays visités. La moitié des stagiaires sont intégrés dans l’entreprise dans laquelle ils ont effectué leur stage et la plupart trouvent ensuite, grâce à cette formation, un job dans une autre société. Du fait de la crise sanitaire, le programme a été fortement perturbé. Avec l’après-Covid-19 qui se dessine, Explort est relancé pour le second semestre avec l’espoir d’envoyer les premiers stagiaires sur le terrain à la fin de l’été.

Le programme Explort classique va clairement contribuer à la relance de l’exportation et de la Wallonie.”

Pascale Delcominette

TRENDS-TENDANCES. Quel a été l’impact de la crise sanitaire sur le programme Explort?

PASCALE DELCOMMINETTE. Nous avons rapatrié tous les stagiaires avec le Covid-19. C’était assez compliqué mais tout le monde est revenu. Nous n’avons pas tout stoppé pour autant, nous appuyant notamment sur la digitalisation. Logiquement, les stagiaires vont pouvoir repartir sur le terrain à la fin de l’été. Avec l’ensemble de nos réseaux à l’étranger ainsi que les Affaires étrangères, nous sommes occupés à monitorer les différents pays et voir ce que l’on va pouvoir proposer aux stagiaires et aux entreprises. A priori, en Europe, avec le passeport sanitaire, cela se passera bien. En revanche, en ce qui concerne l’Asie et l’Océanie, on peut faire une croix dessus jusqu’à 2022. Certains pays risquent également d’être compliqués pour des raisons évidentes, comme le Brésil ou l’Inde. Nous allons monitorer à deux niveaux: d’abord le sanitaire, ensuite la réglementation.

MARIE-KRISTINE VANBOCKESTAL
MARIE-KRISTINE VANBOCKESTAL© MICHEL HOUET

Pouvez-vous nous rappeler dans les grandes lignes en quoi consiste le programme Explort?

P.D. Il s’agit de sensibiliser les jeunes à l’importance des échanges commerciaux internationaux et à l’enjeu que représente le commerce extérieur pour la Région wallonne. L’Awex propose ce programme en collaboration avec le Centre de compétences Management & Commerce du Forem.

Les stagiaires passent d’abord quelques semaines dans l’entreprise afin de s’approprier le produit et/ou le service, ils partent ensuite deux à trois mois à l’étranger afin de réaliser le projet d’internationalisation de l’entreprise, consistant par exemple en une étude de marché dans un pays que l’entreprise ne connaît pas ou l’étude d’une implantation d’un bureau de prospection.

8.000 stagiaires

Nombre de participants au programme Explort lancé en 2006 par l’Awex avec la contribution du Forem.

Quel type d’entreprise fait appel au programme?

P.D. Ce sont des entreprises qui exportent déjà. Elles disposent en interne d’une structure dédiée car il faut que le stagiaire soit bien entouré. Nous avons des coachs qui accompagnent bien évidemment les jeunes. Mais une des clés de la réussite du programme, c’est que l’entreprise intègre le stagiaire dans sa démarche à l’exportation. Pour un responsable export d’une entreprise, ce n’est pas possible de dégager deux ou trois mois pour partir à l’étranger. Un stagiaire représente un bonus incroyable.

Il n’y a pas que les étudiants qui sont susceptibles d’intégrer Explort, c’est également le cas pour les demandeurs d’emploi.

MARIE-KRISTINE VANBOCKESTAL. L’apport du Forem, c’est la formation et le repérage de stagiaires et candidats potentiels. La demande d’emplois en Wallonie est à nouveau en train de diminuer mais reste caractérisée par 48% de demandeurs sous-qualifiés, mal qualifiés ou pas qualifiés. Nous avons des dispositifs pour y remédier. Nous avons également développé une offre à destination des demandeurs d’emploi qualifiés. Le programme Explort s’y prête parfaitement. Cela représente 25.000 personnes, sur 195.000, qui sont titulaires d’un baccalauréat ou d’un master. Un diplôme de l’enseignement supérieur et une très bonne connaissance de l’anglais sont des prérequis.

Nous avons également développé une offre à destination des demandeurs d’emploi qualifiés qui sont au nombre de 25.000 en Wallonie.”

Marie-Kristine Vanbokestal

Que leur proposez-vous en pratique?

M.-K.V. Pour les demandeurs d’emploi, nous proposons une offre diversifiée de formations. D’abord, une formation longue de 26 semaines les oriente vers le commerce international. Durant les quatre premières semaines, il faut qu’ils définissent leur projet et dénichent leur stage eux-mêmes. Ils sont accompagnés par les coachs de l’Awex et le personnel du Centre de compétences Management & Commerce. Une fois le projet défini, évalué et validé, ils reçoivent une formation théorique de sept semaines, suivie d’un stage en entreprise et de la mission à l’étranger. Nous avons également une formation express. Il s’agit de rattraper le temps perdu suite à la crise sanitaire, les stages à l’étranger et les formations ayant été mis à l’arrêt. Notre volonté est de mettre le paquet sur le second semestre. Nous allons nous adresser ici aux demandeurs d’emploi titulaires d’un bac ou d’un master avec une orientation économique ou commerciale.

Pouvez-vous nous dire deux mots d’Explort Academy?

M.-K.V. Nous avons une offre de formation modulaire qui s’adresse aux entreprises. Explort Academy a été créé pour upskiller – améliorer les compétences – le personnel des entreprises exportatrices wallonnes. Cela fait suite au Brexit. Une nouvelle offre de formations dans le domaine des procédures douanières était indispensable. Ces modules sont aussi dispensés dans nos autres centres de compétences comme la logistique. Parmi les modules, on peut pointer le numérique au sens large qui traverse toute l’offre de formation avec entre autres l’e-commerce et l’e-business. Dans les centres de compétences, nous accueillons aussi des étudiants, en l’occurrence en management et commerce. Nous allons les initier aux techniques commerciales, de vente, à l’interculturalité. Ce dernier point est important à mentionner. On veut valoriser la diversité, le fait d’être allophone, le fait de connaître la culture de pays où nos entreprises pourraient exporter.

PASCALE DELCOMMINETTE
PASCALE DELCOMMINETTE© MICHEL HOUET

Outre l’anglais qui est une condition sine qua non, on imagine que la connaissance d’une autre langue est un atout…

P.D. Absolument. Nous avons parfois des étudiants qui sont d’abord des linguistes. Ils passent à la formation et sont upgradés au niveau commercial. D’autant que dans notre réservoir d’entreprises, nous recevons de temps à autre des demandes très spécifiques en matière de langues comme le japonais, le chinois, etc. Cela nous permet de bien faire matcher ces profils-là. C’est une preuve que notre collaboration avec l’Explort Academy fonctionne particulièrement bien. Nous pouvons offrir un niveau de formation optimalisé.

L’agroalimentaire, les nouvelles technologies, le biopharmaceutique et les services sont les secteurs qui font le plus appel au programme Explort.”

Pascale Delcominette

M.-K.V. La connaissance d’une langue supplémentaire permet à nos conseillers d’orienter le demandeur d’emploi vers le programme Explort. Bien connaître les moeurs d’un pays étranger se révèle également un avantage de premier plan quand on souhaite s’orienter vers le commerce international.

Quels sont les secteurs les plus intéressés par Explort?

P.D. L’agroalimentaire, les nouvelles technologies, le biopharmaceutique et, de plus en plus, les services. Parmi les entreprises, nous avons des start-up, des PME et des grandes entreprises. Par exemple John Cockerill, où il y a déjà eu quatre stagiaires.

M.-K.V. L’implication des grandes entreprises s’inscrit dans leur responsabilité sociétale par rapport aux demandeurs d’emploi et aux jeunes.

Explort participe également au plan de relance en Wallonie?

P.D. Dans le cadre de ce plan, nous nous dirigeons vers une formule inspirée de la France et du volontariat international en entreprise (VIE). C’est un projet Explort + avec une expatriation de six mois à un an qui concerne les filières STEM (science, technologie, ingénierie et mathématiques). Ce sont des postes qui visent le long terme. Plus généralement, le programme Explort classique va clairement contribuer à la relance de l’exportation. Les entreprises vont devoir se reconstituer et auront besoin de toutes leurs plumes pour voler. Explort apporte une vraie réponse pour la relance. Les entreprises bénéficient de ressources humaines de qualité, bien formées avec des conditions optimales tant pour l’encadrement humain que financier. Les stagiaires Explort sont triés sur le volet et bien formés. Avec leur mission, ils progressent et acquièrent de la maturité.

M.-K.V. J’ajoute que nous les préparons à la maîtrise des soft skills, des compétences comportementales. Pour partir à l’étranger, il faut être préparé. Au-delà des qualifications professionnelles, les entreprises demandent une compréhension accrue des codes, l’acceptation de toute une série de procédures, etc. En outre, nous mettons également l’accent sur le numérique que nous entendons booster davantage.

Les 15 prochaines années d’Explort seront digitales?

P.D. On peut envisager une hybridation avec le digital mais l’objectif d’Explort c’est d’abord et avant tout d’aller sur le terrain.

M.-K.V. Toute l’offre de formation doit être adaptée à la dimension digitale avec le développement de l’e-commerce. De nouveaux métiers apparaissent dans le numérique ainsi que de nouvelles applications mais je ne peux que confirmer, le terrain est essentiel, certainement en matière d’exportation.

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