Exclusif : “Nos 4 priorités pour relancer la Belgique SA”

© Montage Belga/PG

Bruno Colmant (Ageas) et Axel Miller (Petercam) se sont associés dans l’écriture d’un ouvrage analysant la crise et ses conséquences sur notre économie. Ils y expliquent comment les faiblesses du pays, réveillées par la débâcle financière, ont grippé le modèle belge. A leurs yeux, il est grand temps de réagir.

Les chiffres en attestent amplement : le mal belge est aujourd’hui clairement perçu par les investisseurs étrangers. L’instabilité politique du royaume conjuguée à des coûts salariaux élevés, les préoccupent de plus en plus. Cette inquiétude est, du reste, révélatrice d’un mal plus profond.

L’économie belge donne des signes évidents de fatigue, voire de déclin. Tel est le constat, assez pessimiste, que font Bruno Colmant et Axel Miller, respectivement deputy CEO d’Ageas et administrateur délégué de Petercam, réunis l’espace d’un instant dans l’écriture d’un livre sur la crise, baptisé Le capitalisme d’après (éditions De Boeck & Larcier).

Ils ont accordé une interview exclusive au magazine Trends-Tendances. Voici, en guise de morceaux choisis, leurs quatre grandes priorités pour relancer la Belgique SA.

1. Un système institutionnel plus efficace

Axel Miller. Une fois pour toutes, il faut déterminer ce que l’on fait au plan régional et ce que l’on fait au plan fédéral. Et le faire sans tabou particulier. Il y a là un vrai choix de société à réaliser. Par ailleurs, je ne pense pas qu’on puisse durablement conserver un Etat fédéral sans une circonscription électorale fédérale. Enfin, je pense qu’il est important de passer d’un système désespérément proportionnel vers un système beaucoup plus majoritaire qui évite des coalitions déflorant la volonté des électeurs telle qu’elle est déposée dans les urnes. Ceci conjugué à la mise en place d’une haute administration de qualité doit nous permettre de décider. A la limite peu importe ce qu’on décide, mais qu’on le décide, qu’on le mette en oeuvre et qu’on puisse rectifier le tir, si nécessaire, sous contrôle démocratique.

Bruno Colmant. Indiscutablement, il faut reformuler l’Etat. Je crois qu’il faut aller vers beaucoup plus de régionalisation en termes économiques, et très rapidement. Dans une économie mondialisée, les différences culturelles et linguistiques sont insignifiantes. Essayer de faire une fiction d’économie belge alors que les Ardennes n’ont rien à voir avec le port d’Anvers, cela me semble être une erreur.

2. Une vaste réforme de notre régime fiscal

B.C. Nous devons repenser notre fiscalité. La croissance est la seule manière de rembourser notre dette publique et de résoudre l’équation sociale. Pas l’impôt. Celui-ci ne sera d’ailleurs pas suffisant. Je ferais plutôt le pari non pas de l’étouffement fiscal mais celui du stimulant fiscal en redéployant l’épargne, pour redonner le goût d’investir aux gens. Dans cette perspective, il faut un impôt des sociétés qui stimule la prise de risque et beaucoup plus concurrentiel à l’échelle internationale. Taxer l’épargne consisterait à procéder à une double taxation des revenus du travail, à effrayer les Belges dans l’entreprenariat et dans la prise en charge de leur avenir financier. A mon intuition, l’arbitrage se fera entre la taxation des revenus et les impôts de consommation. En fait, il faut une fiscalité beaucoup plus incitative et moins étouffante.

A.M. Il me paraît difficile d’encore augmenter plus la fiscalité du travail, déjà fort taxée chez nous. Nécessairement, cela va se traduire par un travail sur les dépenses de l’appareil de l’Etat. Des marges de manoeuvre vont devoir être trouvées aussi au niveau de l’efficacité des pouvoirs publics de manière à avoir une politique fiscale adaptée à la situation des Belges. Travailler sur l’élargissement de l’assiette, comme le dit Bruno, me semble être une piste prometteuse.

3. Un nouveau contrat social

A. M : Je suis convaincu qu’on ne parvient pas à imprimer une direction à un pays si on n’a pas une vision convergente de ce que l’on souhaite mettre en place comme stratégie. Il faut rapidement mettre autour de la table le monde des entreprises, le monde des syndicats – qui doivent aussi repenser leur modèle – et le monde des pouvoirs publics de manière à avoir une vue repensée de la Belgique que nous souhaitons avoir demain. Nous avons toutes les compétences dans ce pays pour le faire. Il n’y a pas de fatalité. Mais il faut se mettre au travail.

B.C. Je sens un sentiment d’urgence qui émane surtout des praticiens de la vie économique. Ils sont inquiets par rapport à la prévisibilité du modèle belge. En fait, nous devrions avoir un nouveau contrat social et politique comme après la Première Guerre mondiale, sachant qu’il s’agit aujourd’hui d’une guerre économique. Ce contrat social ne doit pas s’exprimer au détriment d’une classe sociale, mais plutôt en faveur des entrepreneurs.

4. Changer les mentalités

B.C. Le pays est tellement triste et déboussolé que nous allons devoir vivre un Mai 68 en termes de rénovation des mentalités. Il faut montrer aux jeunes que le pays a confiance en eux. Changer les mentalités, cela veut aussi dire donner confiance en l’entreprenariat. En fait, postuler que l’humain a une immense énergie.

A.M. L’humain est évidemment fondamental. Je partage complètement la confiance de Bruno dans la qualité des hommes et des femmes de ce pays à pouvoir faire des choses absolument brillantes. C’est démontré jour après jour dans les entreprises, et dans des conditions difficiles.

Propos recueillis par Sébastien Buron

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