Etienne de Callataÿ, fondateur d’Orcadia et professeur à l’UNamur: “Des experts peuvent contourner les rigidités partisanes”

Etienne de Callataÿ, fondateur d'Orcadia et professeur à l'UNamur © belgaimage

Un gouvernement d’experts, ce n’est sans doute pas la panacée. Pour l’économiste en chef d’Orcadia Asset Management, l’idée présente toutefois au moins un élément positif.

1. Pour sortir de l’impasse politique, on évoque l’installation d’un gouvernement d’experts. Qu’en penser ?

Il ne faut pas confondre les rôles : les soldats doivent rester dans les casernes et les économistes dans leur tour d’ivoire. Alors qu’on ne cesse de parler de la distance entre le citoyen et la politique, je me méfie des formules qui laisseraient penser qu’il existe des élites qui, elles, savent ce qu’il faut faire.

Il y a toutefois un élément que j’apprécie beaucoup dans cette idée de gouvernement d’experts : l’expert n’est pas affilié à un parti. Un parti, c’est un programme, un ensemble, un package. Je te cède ceci sur la fiscalité, tu me cèdes cela sur l’environnement. Des experts peuvent dépasser ce donnant-donnant pour vraiment réfléchir par thème et retenir chaque fois les bonnes idées. Les partis ne sont, je pense, pas la seule manière d’organiser la démocratie. On peut les dépasser avec des experts ou aussi avec des citoyens tirés au sort.

2. Les experts ne sont-ils pas idéologiquement aussi divisés que les hommes et femmes politiques ?

Ce ne sont, bien entendu, pas des êtres désincarnés. Il n’y a pas une voie unique vers laquelle convergeraient les analyses de tous les experts. Certains sont plus sensibles à l’environnement, d’autres au social. Je pense cependant que des experts peuvent plus facilement se mettre d’accord que le PS, le MR, la N-VA et compagnie, qu’ils peuvent aider à contourner les positions parfois rigides de certains partis. Le système fonctionnerait mieux sans les tabous des uns et les fétiches des autres. Des experts peuvent débattre plus sereinement de dossiers politiquement sensibles comme le paiement des allocations de chômage par les syndicats ou la réforme de la fiscalité immobilière.

Après, il faut aussi sentir quel combat mener d’abord. Et ça, c’est peut-être davantage du ressort des hommes et femmes politiques que des experts. Des techniciens lanceraient sans doute un grand chamboulement de la fiscalité immobilière et des entreprises, au risque de générer beaucoup d’incertitudes dans le chef des acteurs économiques. Enfin, n’oublions pas que, quel que soit le futur gouvernement fédéral, il devra économiser. Or, il est beaucoup plus facile de s’accorder sur la manière optimale d’allouer 5 milliards d’euros que sur la manière la moins douloureuse de couper dans les dépenses.

3. En d’autres termes, avec des experts, ce ne serait pas forcément plus simple. Convoquer des élections fédérales anticipées, ce serait une gifle démocratique, selon vous ?

Pas du tout. Constater l’impasse et décider de retourner vers l’électeur n’est pas nécessairement un signe d’échec. Plusieurs pays européens l’ont fait récemment, avec des résultats plus ou moins heureux, d’ailleurs. Aujourd’hui, on prédit qu’un tel scénario profiterait surtout aux partis extrémistes. Rien n’est moins sûr, car tout le contexte politique et médiatique évoluerait. Pour moi, il ne faut pas diaboliser a priori l’hypothèse d’élections anticipées.

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