Et si l’euro disparaissait ?

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Cela fait exactement 10 ans que l’euro a remplacé le franc belge. Mais l’espoir de voir la monnaie unique survivre 10 ans de plus est de plus en plus mince. D’autant plus mince après la dégradation, par Standard & Poor’s, de plus de la moitié des économies de l’Eurozone.

Nouvel An 2002. Images d’euphorie autour de distributeurs automatiques qui crachent les premiers billets en euros. Pour nous tous, le moment tant attendu d’échanger nos bons vieux francs belges contre des euros tout neufs était venu. La possibilité de payer avec la même monnaie partout en Europe allait nous simplifier la vie. Et contrairement à une opinion largement répandue, la vie n’est pas subitement devenue plus chère. Des études ont en effet démontré que les prix n’ont pas augmenté au cours des mois qui ont suivi l’introduction de la monnaie unique. Pour les entreprises aussi, tout devenait plus facile. Désormais, il était possible d’exporter et d’importer vers et depuis les États membres de la zone euro sans risque de change.

Dix ans plus tard, cette euphorie a disparu et des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour l’abandon de l’euro. Bien que dans l’arène politique, ce discours reste l’apanage de personnalités populistes comme Geert Wilders aux Pays-Bas ou Marine Le Pen en France, un nombre croissant d’économistes et d’investisseurs institutionnels évoquent désormais ouvertement la fin de la monnaie unique. C’est dire si la situation est inquiétante sur le Vieux Continent.

Il faut dire que la zone euro portait en elle les germes de la crise actuelle dès sa création à la fin des années 90. Car une monnaie unique sans politique budgétaire coordonnée est vouée à l’échec. Après l’introduction de l’euro, les pays du Sud de l’Europe ont vu brusquement baisser leurs taux d’intérêt. Il en a résulté un véritable boom du crédit, tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Comme aucune règle contraignante n’avait été imposée aux budgets nationaux – le Pacte de stabilité a immédiatement été foulé aux pieds par les plus grands États membres -, les pays du Sud de l’Europe sont rapidement retombés dans leurs travers. En particulier la Grèce, où le gouvernement n’a pas hésité à falsifier ses statistiques budgétaires pour satisfaire aux normes de Maastricht.

Anecdote historique intéressante : depuis sa naissance en 1829, la Grèce a déjà fait faillite à cinq reprises. Dans l’autre grande union monétaire – les États-Unis -, la Constitution oblige tous les États à présenter un budget en équilibre. En échange de cette règle budgétaire stricte, les dettes sont communes – la dette publique fédérale. Une telle structure manque aujourd’hui dans la zone euro. Et la crise bancaire a fait éclater cette lacune comme un abcès.

Sur la bonne voie

Une telle crise peut cependant avoir un effet salvateur, à condition toutefois de réformer le fonctionnement de la zone euro et de rendre contraignantes les règles budgétaires. La première tentative en ce sens, entreprise lors du récent sommet européen, est un pas dans la bonne direction. Ce, même si les sanctions infligées aux pays qui enfreignent les règles de bonne gestion peuvent toujours être levées par une décision politique prise à la majorité des États membres. De toute manière, il est acquis que la crise actuelle va modifier la zone euro en profondeur. Par exemple, la sortie de la Grèce devient peu à peu inéluctable, le pays étant incapable de maintenir les efforts d’économies qui lui sont actuellement imposés. Certes, un tel événement aurait de lourdes conséquences économiques (lire ci-après), mais il augurerait sans doute d’une reprise économique durable.

Et si l’euro venait à disparaître ?

Imaginez que l’impensable se produise, et que la zone euro éclate. Chaque pays reviendrait alors à son ancienne monnaie nationale. Il faut d’abord savoir que l’éclatement de la zone euro ne serait pas un événement unique. Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, pas moins de septante unions monétaires ont déjà éclaté dans le monde. Quel serait l’impact du retour au franc belge ? La Belgique étant considérée comme un des maillons faibles de la zone euro, les conséquences d’un tel événement seraient surtout négatives.

Le nouveau franc belge devrait ainsi dévaluer de 20 à 25 %, selon les calculs des analystes du groupe financier japonais Nomura. Certes, nos produits belges deviendraient moins chers à l’étranger, ce qui stimulerait les exportations. Mais les produits importés, comme l’essence, augmenteraient d’autant, ce qui serait source de l’inflation et pèserait lourdement sur le pouvoir d’achat des ménages belges. De plus, l’effet positif sur nos exportations serait en partie annulé par les dévaluations équivalentes opérées à l’étranger. En outre, les pays les plus dynamiques, comme l’Allemagne, risqueraient alors de prendre des mesures commerciales répressives – comme l’instauration de taxes à l’importation.

Pour une économie ouverte comme la nôtre, une guerre commerciale aurait des conséquences dramatiques, avec notamment une brutale hausse du chômage. Outre-Quiévrain, l’Institut Montaigne a calculé qu’une sortie de la France de la zone euro entraînerait une chute catastrophique (6 % à 19 %) du produit intérieur brut et créerait un million de chômeurs supplémentaires.

Pour les épargnants belges, une dévaluation constituerait un appauvrissement immédiat, puisqu’elle réduirait la valeur de leurs économies en dollars ou en livres britanniques. Les investisseurs ont donc intérêt à détenir des actifs dans des monnaies fortes, comme la couronne norvégienne, le franc suisse ou le dollar canadien, afin d’atténuer l’impact d’un tel scénario. Les actifs en dollars américains sont également recommandés à court terme, même si l’évolution du débat budgétaire aux États-Unis doit être suivie de très près.

Mathias Nuttin, MoneyTalk

L’euro reste solide

Malgré les nombreux problèmes qui affectent la zone euro, la monnaie unique tient bien son rang sur le marché international des devises. L’euro reste à un niveau élevé, en particulier face au dollar et à la livre britannique. Bien entendu, cette performance n’est pas tant imputable à la force de l’euro qu’à la faiblesse intrinsèque du billet vert et de la livre. Même si les États-Unis ne devraient pas plonger en récession cette année, le débat budgétaire s’y trouve dans une impasse. Le Royaume-Uni, de son côté, doit faire face à la stagflation – combinaison d’inflation et de stagnation économique – engendrée par la cure d’austérité imposée par le gouvernement

Cameron. D’ailleurs, l’euro comme le dollar se trouvent à un niveau plancher face au yen japonais. Aujourd’hui, les analystes s’attendent à ce que l’euro continue à s’affaiblir face au dollar au cours du premier semestre. Ensuite, la fièvre électorale qui s’emparera des États-Unis pourrait à nouveau attirer l’attention des marchés sur le mauvais état des finances publiques américaines. Dans ce cas, le dollar pourrait à son tour perdre du terrain face à l’euro.

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