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Est-ce bien le moment de taxer le capital?

Les gouvernements volent au secours des économies. Ils injectent des centaines de milliards d’euros pour essayer d’éponger les pertes liées au gel de l’activité. Et bien évidemment, beaucoup se demandent : qui va payer la facture, et comment ?

Parmi les idées qui ressortent du bois alors que l’on songe à peut-être – qui sait – avoir un vrai gouvernement avant la fin de l’année, il y a celle d’instaurer une taxe sur le capital. On a déjà essayé par le passé (vous vous rappelez le fiasco de la taxe sur les comptes-titres ? ). Mais aujourd’hui, on parle plutôt de la possibilité de ponctionner les plus-values, afin de rééquilibrer un système fiscal qui pèse trop, c’est vrai, sur les revenus du travail.

Essayons de préciser. Lorsque l’on parle de taxer le capital, on désigne – au moins – quatre choses différentes : taxe sur les revenus du capital, taxe sur la fortune, taxe sur les plus-values à court terme (ce qu’on appelle en langage courant la ” spéculation “) ou taxe sur les plus-values à long terme. Les revenus du capital – dividende ou intérêt – sont déjà soumis au précompte mobilier. Taxer la détention du capital : on a essayé, avec la taxe éphémère sur les comptes-titres. Taxer les revenus spéculatifs ? C’est déjà le cas : très vite, le fisc peut estimer que vous sortez du cadre de la gestion d’un bon père de famille. Il existe sur ce point un grand consensus : on peut comprendre de s’attaquer aux profits générés par les va-et-vient incessants et déstabilisants en Bourse. Mais il y a aussi la taxe sur les plus-values à long terme. Un terrain déjà partiellement exploré : les plus-values dégagées par les fonds obligataires ou lors de la revente de plus de 25% du capital d’une société belge à une société étrangère sont déjà dans le collimateur.

La question est donc : que gagnerait-on à généraliser une taxe sur les plus-values à long terme ? Pas grand-chose. Selon un document du Conseil supérieur des finances, dont nos confrères de L’Echo ont pu prendre connaissance, une taxe de 10% sur les plus-values sur les actions et les produits d’assurance ne rapporterait que 1,2 milliard… Pas de quoi, donc, faire baisser de manière perceptible l’impôt sur le travail. Mais de quoi, au contraire, décourager le capital risque à un moment où nous en avons besoin pour faire redémarrer la machine.

En taxant les plus-values, on découragerait la détention d’actions sur le long terme et l’on porterait un nouveau coup, non seulement au capital d’entreprises déjà fragilisées par la crise, mais aussi à l’épargne et aux fonds de pension fort secoués ces dernières semaines. Et l’on peut appliquer un raisonnement similaire envers ceux qui voudraient élargir la taxation des plus-values obligataires. Est-ce le bon moment alors que les entreprises et l’Etat cherchent des investisseurs ?

Que faire alors ? Sommes-nous condamnés à faire peser l’effort budgétaire sur les revenus du travail ? Certainement pas. D’autres options existent. La première consiste à réduire les dépenses publiques. La tâche, toutefois, est très difficile aujourd’hui, compte tenu de la nécessité de renforcer notre système de santé. On peut aussi ponctionner davantage la consommation. Estelle Cantillon, professeure à l’ULB, a calculé que si l’on maintenait les prix pétroliers à leur niveau d’avant crise, l’Etat toucherait une bonne trentaine de centimes de plus par litre, et à supposer que le baril reste très bas jusqu’en décembre, une telle augmentation des accises permettrait aux pouvoirs publics d’engranger un milliard…

Et puis surtout, il convient de se donner du temps et d’alléger le poids de l’endettement grâce à un savant dosage de croissance réelle et d’inflation. On sait qu’il faudra plus d’une décennie pour réduire la dette publique. L’urgence, aujourd’hui, est de préserver ce qui pourra refaire redémarrer la machine : c’est-à-dire les emplois mais aussi le capital. Cela ne sert à rien d’augmenter la pression fiscale, si nous ne nous donnons pas les moyens, d’abord, de créer de la richesse.

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