Entre les Européens et les Etats-Unis, le jeu d’équilibriste de Boris Johnson

Boris Johnson, Premier ministre britannique

Tiraillé entre les Etats-Unis, son allié historique, et l’Union européenne, que son pays est sur le point de quitter, le Premier ministre britannique Boris Johnson joue les équilibristes pour ne pas compromettre l’avenir du Royaume-Uni après le Brexit.

De l’Iran à l’équipementier chinois Huawei, Boris Johnson tente de ménager la chèvre et le chou. Tout en restant proche des Européens, il se montre soucieux de ne pas froisser le président américain Donald Trump qui le couvre de louanges et avec qui il compte négocier un ambitieux accord commercial après le Brexit fin janvier.

“Il est plus pro-américain que la moyenne mais n’est pas le Premier ministre le plus pro-américain que nous ayons eus”, estime Simon Usherwood, politologue à l’Université de Surrey, interrogé par l’AFP.

En toile de fond, un constat simple dans le contexte de la sortie de l’Union européenne, ajoute le professeur: “Les Etats-Unis constituent l’alternative la plus évidente à l’Europe”.

Sa position est parfois difficile à tenir, comme l’a montré la crise suivant la mort du général iranien Qassem Solimani, tué par un drone américain en Irak.

Après deux jours de silence, Boris Johnson a indiqué qu’il ne regretterait pas l’Iranien, tout en se joignant aux appels à la désescalade de la communauté internationale.

Mardi, le dirigeant conservateur a semblé prendre le contre-pied de la position européenne sur le nucléaire iranien. Il s’est dit prêt à remplacer l’accord de 2015 par un autre voulu par Donald Trump, qu’il a qualifié d'”excellent négociateur”.

Quelques heures plus tard, Londres rappelait pourtant, avec Paris et Berlin, son attachement à l’accord et laissait entendre ne pas vouloir se joindre à la politique de sanctions des Etats-Unis.

Pour Simon Usherwood, l’approche de Boris Johnson est “en fait plus proche de l’approche européenne que de l’approche américaine”, mais la différence se joue sur les mots: le Premier ministre “a formulé les choses d’une manière qui plaît à Trump”.

“Loin de Bruxelles”

Sur la BBC, l’ancien conseiller de Donald Trump Richard Goldberg a appelé Boris Johnson à abandonner l’accord de 2015, dont les Etats-Unis sont sortis en 2018 mais que les trois pays européens signataires (le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne) tentent de sauver.

“Vous vous dirigez vers le Brexit, les soutiens du Brexit n’aiment vraiment pas l’accord nucléaire (…), que ferez-vous après le 31 janvier alors que vous allez à Washington négocier un accord de libre-échange avec les Etats-Unis?”, a-t-il demandé, estimant que Londres avait “intérêt à mener une politique étrangère loin de Bruxelles”.

Londres est aussi soumis à la pression américaine pour ne pas coopérer avec l’équipementier de télécoms chinois Huawei, que Washington soupçonne d’espionnage au profit de Pékin.

Le bras de fer s’est intensifié toute la semaine, par fuites interposées dans la presse, alors que le gouvernement doit trancher fin janvier. Il sera amené alors à fâcher l’une des deux premières économies mondiales, avec qui le Royaume-Uni espère tisser des liens avantageux une fois sorti de l’Union européenne.

Autre sujet brûlant: une éventuelle taxe sur les géants du numérique. La mesure figure dans le programme du gouvernement britannique mais la réaction furieuse de l’administration Trump, avec représailles douanières à la clé, au projet français la rend peu propice à des négociations commerciales sereines.

Entre Donald Trump et Boris Johnson, l’alchimie est aussi personnelle. Depuis l’arrivée au pouvoir du bouillonnant “BoJo” en juillet, le milliardaire républicain ne manque pas une occasion de dire tout le bien qu’il pense de celui qu’il a surnommé “le Trump britannique”.

Le Premier ministre se montre plus distant et ne l’a rencontré que discrètement en marge du sommet de l’Otan en décembre à Londres. Il se montre soucieux de ne pas apparaître en vassal des Etats-Unis, comme l’ancien Premier ministre travailliste Tony Blair, que ses détracteurs qualifiaient de “caniche” de George W. Bush pour l’avoir soutenu sans faille lors de la guerre en Irak.

Interrogé par le New York Times, l’expert Jeremy Shapiro, de l’European Council on Foreign Relations, a prévenu que la stratégie de louvoiement du Premier ministre ne fonctionnerait pas forcément: pour l’administration américaine, “vous êtes soit un vassal, soit un ennemi”.

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