Entre croissance et zéro Covid, Pékin joue les équilibristes
Gages de bonne volonté à l’économie mais intransigeance sur le zéro Covid: pour relancer une croissance plombée par les restrictions sanitaires, la Chine multiplie les gestes de soutien à l’activité sans renier une stratégie anti-virus coûteuse.
Menacé par une croissance atone, le pouvoir chinois a adressé fin avril un signal rassurant aux puissantes entreprises du numérique, malmenées depuis la brutale reprise en main du secteur fin 2020. Pour soutenir la conjoncture, Pékin a également esquissé les contours d’un plan de grands travaux, au risque de multiplier les projets inutiles et de creuser son endettement.
Mais la politique zéro Covid de la Chine, qui implique confinements et dépistages répétés de la population dès l’apparition de cas, se poursuivra en dépit d’un coût élevé pour l’économie, insiste le président Xi Jinping. “La persévérance apportera la victoire” contre le virus, a de nouveau assuré jeudi l’homme fort de Pékin, en réunion avec de hauts responsables du Parti communiste.
M. Xi s’était déjà fendu de tels propos début avril, au moment où Shanghai, tout juste confinée, affrontait la pire flambée virale enregistrée dans le pays depuis le début de l’épidémie fin 2019. La capitale économique chinoise reste aujourd’hui coupée du monde, ce qui pénalise lourdement la croissance du géant asiatique. En mars déjà, la métropole technologique de Shenzhen (sud) avait été brièvement mise sous cloche, tandis que le nord-est du pays, berceau industriel et grenier à blé, a été confiné près de deux mois.
Marge limitée
Ces mesures mettent en péril l’objectif de croissance de 5,5% fixé par Pékin, dans une année politiquement sensible qui devrait voir Xi Jinping être reconduit à la tête de la seconde économie mondiale. Nombre d’économistes doutent que le géant asiatique parvienne à son objectif, qui marquerait en Chine la plus faible croissance depuis 1990 hormis 2020, année initiale de la pandémie.
L’actuelle flambée due au variant Omicron et la politique du zéro Covid sont les “principaux” obstacles à l’activité, notaient cette semaine les analystes de la banque Nomura. Pour relâcher la pression sur l’économie, Pékin a offert un répit au secteur technologique, en lui épargnant de nouvelles restrictions qui entravent son développement. Le pouvoir a également annoncé une multitude d’investissements non chiffrés dans les infrastructures. Mais Pékin “n’a pas beaucoup de marge de manoeuvre”, estime l’économiste Dan Wang, de la banque Heng Seng, poids lourd de la finance à Hong Kong. La Chine a considérablement développé ses infrastructures au cours des dernières décennies, particulièrement à la fin des années 2000 lorsqu’il s’est agi de relancer une économie affaiblie par la crise financière mondiale. Le pays avait alors investi sans compter 4.000 milliards de yuans (573 milliards d’euros actuels) dans des projets parfois inutiles qui ont gonflé sa dette. Chose que devrait cette fois éviter le pouvoir, subodore l’analyste Zhaopeng Xing, de la banque ANZ.
Cercle vicieux
Face au fléchissement de sa croissance, Pékin compte par ailleurs soutenir PME et auto-entrepreneurs, ses principaux viviers d’emplois, avec des mesures fiscales et des réductions d’impôt. Le gouvernement envisage également des aides pour les travailleurs migrants sans emploi, particulièrement vulnérables aux aléas économiques. Mais ces mesures risquent de ne pas avoir l’effet escompté, en raison des confinements qui pénalisent “considérablement” logistique et déplacements de population et in fine l’activité, prévient Nomura.
Sur le front sanitaire, alors que certaines villes tendent à généraliser le dépistage gratuit toutes les 48h, cette mesure s’avère une fausse bonne idée, selon Nomura. Consistant à détecter au plus tôt les cas positifs pour éviter les confinements préjudiciables à l’économie, cette stratégie a un “coût très élevé” qui n’empêchera pas le virus de circuler et donc de nouvelles restrictions, arguent les économistes de la banque. D’autant que les confinements cassent durablement la dynamique économique, souligne l’analyste Ernan Cui, du cabinet Gavekal Dragonomics.
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