Energie : pourquoi les prix ne baisseront pas

© Montage Belga/PG

Nous consommons davantage d’électricité par tête d’habitant que la moyenne européenne. Nous avons surtout trop peu de capacité pour faire face aux pointes de consommation…

La demande permanente de réduire la part de marché d’Electrabel n’est pas précisément un argument de nature à convaincre le siège central français d’investir dans de nouvelles capacités de production en Belgique. Entre-temps, en tant que propriétaire des centrales nucléaires belges, la filiale de GDF Suez gagne beaucoup d’argent en vendant son énergie nucléaire. Elle peut la produire à assez bon compte et la vendre à un prix du marché supérieur.

Quelle est la cause de cet écart entre le prix de production et le prix de vente ? La libéralisation. Dans le marché libre que la Belgique a introduit en 2003, le prix de l’électricité est fixé par le fournisseur qui met de la capacité à disposition en dernier lieu. Or ce sont le plus souvent des centrales au gaz qui sont obligées de demander un prix plus élevé en raison de leurs coûts de production élevés. Electrabel peut vendre sa capacité au même prix que les centrales au gaz et encaisse donc des bénéfices plus importants parce que ses coûts de production sont moindres.

Non seulement cette approche du marché libre permet à Electrabel d’engranger de plantureux profits mais elle représente aussi un inconvénient supplémentaire pour les autres acteurs qui désirent entrer sur le marché. Bien que le prix du marché en Europe occidentale du Nord soit identique dans 80 à 85 % du temps, il subsiste des différences. De plus, Electrabel peut presque à tout moment offrir de l’électricité à un prix inférieur à celui auquel les autres électriciens en produisent. Actuellement, une enquête portant sur une manipulation de marché est encore toujours en cours sur la base d’un rapport établi par l’instance régulatrice fédérale, la CREG. Ce qui n’est pas non plus de nature à stimuler l’enthousiasme d’autres géants de l’énergie à venir se mesurer à Electrabel sur le marché belge.

Les responsables politiques essayent d’écrémer les bénéfices d’Electrabel en imposant des taxes supplémentaires mais cela ne remédie que peu voire en rien au problème de la concurrence ou de l’offre. Les dirigeants politiques ne répugnent pas à gagner eux-mêmes de l’argent avec l’électricité. Plus de la moitié du prix payé par le consommateur consiste en des taxes, frais de distribution et de transport. En outre, l’idée de racheter une partie de la production des centrales nucléaires d’Electrabel et de la revendre aux concurrents d’Electrabel n’est pas nécessairement d’un grand secours. Il y a un risque réel que le nouveau propriétaire de l’électricité essaie tout autant qu’Electrabel de profiter des bénéfices générés par l’énergie nucléaire.

Pas dans mon jardin

La Belgique ne figure pas parmi les meilleurs élèves de la classe. Nous consommons davantage d’électricité par tête d’habitant que la moyenne européenne. Nous avons surtout trop peu de capacité pour faire face aux pointes de consommation. S’il y a peu d’enthousiasme à produire du courant ici, nous pouvons naturellement en acheter davantage à l’étranger. Actuellement, nous importons d’ores et déjà en moyenne 10 % de notre consommation.

L’électricité étrangère engendre peut-être même un peu plus de concurrence. Mais cela ne veut certainement pas dire que les prix vont baisser. Il y a des pertes de courant pendant le transport – ce qui n’est pas non plus gratuit – et cela complique les chances de succès d’une guerre des prix qui ne ferait que raboter la marge bénéficiaire.

En dépit des 120 millions d’euros que Elia investit chaque année, il y a déjà actuellement des moments où la situation sur le réseau est tendue. D’ici 2016, les connexions avec les Pays-Bas, les parcs éoliens installés en mer du Nord et le Royaume-Uni seront meilleures. Un projet est à l’étude en vue d’établir une liaison avec l’Allemagne d’ici 2020. Mais il semble difficile de compter sur les importations pour couvrir tous nos besoins. L’attitude Nimby (Not in my backyard, pas dans mon jardin) reste l’un des grands problèmes. En moyenne, il faut 12 ans chez nous pour installer une ligne à haute tension.

An Goovaerts et Luc Huysmans

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