Energie: grâce aux achats groupés, ensemble c’est (un peu) moins cher

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Les achats groupés ont secoué le marché de l’énergie et réveillé le consommateur. Même limitées, les réductions de prix sont au rendez-vous.

Les achats groupés ont le vent en poupe. Le régulateur flamand, la Vreg, souligne le rôle positif qu’ils jouent sur le marché en Flandre, insufflant un certain dynamisme. Début 2012, le régulateur fédéral, la Creg, recommandait au gouvernement de développer le système. Même la patronne d’Electrabel s’y est mise. Fin avril, commentant les importantes pertes de client subies, Sophie Dutordoir les pointait du doigt. “Ils sont la source des plus importants mouvements sur le marché.

Des consommateurs qui sont essentiellement motivés par la seule question du prix.” Si elles restent confortables, il faut dire que les parts de marché du premier énergéticien du pays s’érodent sérieusement. De 80 % avant la libéralisation du secteur, elles ont chuté aux alentours des 60 %.

De janvier à mars 2012, la filiale de GDF Suez a ainsi vu filer environ 47.000 clients en électricité et 30.000 en gaz. Sur l’année 2011, la perte sèche (les fuyards moins les nouveaux arrivants) s’élève à quelque 90.000 clients électriques et 50.000 clients gaziers – sur un stock de 3,2 millions de clients, cela permet toutefois de relativiser.

Même s’ils n’expliquent pas à eux seuls la transhumance de plus en plus marquée des consommateurs, les achats groupés d’énergie font parler d’eux. Le principe est simple. Des consommateurs s’assemblent afin de d’obtenir des tarifs préférentiels, forts de leurs consommations conjointes. L’initiateur, le community manager, ouvre une sorte de registre d’inscription.

Tout qui est intéressé y laisse ses coordonnées ainsi que son profil de consommation. Avec l’aide d’un intermédiaire spécialisé est ensuite lancé un véritable appel d’offres. Le meilleur fournisseur emporte la mise, le prix étant le critère principal mais pas forcément le seul. Chaque candidat reçoit alors une offre personnalisée, qu’il est libre d’accepter ou non. L’intermédiaire n’intervient plus : le contrat est signé entre le fournisseur et le client. Il dure en général un an, plus rarement deux ou trois.

Un carton en Flandre

Un véritable carton en Flandre, où les premières initiatives remontent à 2009. A la barre, en tant que community managers, les provinces, des CPAS, des partis politiques (le sp.a, principalement) mais aussi des journaux et magazines voulant chouchouter leur lectorat (Belang van Limburg, Gazet van Antwerpen ou encore P-Magazine).

Succès de foule à la clef. Début 2012, la province de Flandre-Occidentale a récolté près de 45.000 inscriptions ; en 2011, la province d’Anvers a emmené dans son sillage 43.000 consommateurs et relancerait la machine au mois de septembre. Joli score en Flandre-Orientale, où l’on compte déjà 62.000 marques d’intérêt. Une nuance toutefois : tous les inscrits ne confirment pas l’essai. “Dans le secteur, on estime qu’environ 40 % des candidats font le saut et changent de crémerie”, indique Maxime Beguin, associé de Wikipower, une plateforme wallonne lancée en 2011 par Michael Corhay.

Différents intermédiaires sont implantés au nord du pays, comme EOS ou Samenstroom. Le leader incontesté se nomme iChoosr. Sa plateforme technique et son expérience font qu’il est partie prenante dans presque toutes les opérations. Société néerlandaise, iChoosr s’est installée à Anvers en 2008 et a fait ses premières armes dans le mazout, avant d’opter pour l’électricité et le gaz un an plus tard.

“Depuis 2009, nous avons comptabilisé pas moins de 900.000 inscriptions aux Pays-Bas et en Flandre, se réjouit son propriétaire, Bart Stevens. Dont à peu près un tiers en Flandre.” Une omniprésence qui commence à agacer, certains reprochant à iChoosr sa position quasi monopolistique.

Des fournisseurs, de leur côté, ont décidé de ne plus participer aux groupements cornaqués par la société, qui a récemment augmenté ses marges. iChoosr empoche une commission (payée par le fournisseur) de 25 euros par ménage qui accepte l’offre qui lui est proposée. “Quand la commission commence à être plus élevée que la réduction accordée au client, il y a un problème”, grince ce fournisseur.

Et du côté wallon ? Pas grand-chose. Certaines organisations, comme Test-Achats, offrent bien des réductions à leurs membres – mais ce n’est pas vraiment de l’achat groupé. Mise sur pied par des mutualités, des syndicats et diverses associations, la plateforme Power4you propose des réductions sur l’énergie depuis 2007 mais elle a pour l’heure toujours opté pour le même fournisseur (Lampiris) et, à vrai dire, il ne s’y passe plus grand-chose. C’est dans ce “désert” qu’a émergé, en juin 2011, l’initiative Wikipower. Même concept que celui d’iChoosr, mais en version Petit Poucet à l’heure actuelle : deux achats groupés lancés, réunissant un peu moins de 3.000 personnes chacun. Ce qui n’empêche pas d’avoir de l’ambition : Wikipower est entré en contact avec une série de communes wallonnes, afin de les faire entrer dans la danse.

Les entreprises aussi

Les particuliers ne sont pas les seuls à s’organiser : les entreprises sont aussi de la partie. “L’initiative est généralement portée par les chambres de commerce, explique-t-on chez Schneider Electric, spécialiste de la gestion de l’énergie. Il existe quasiment un groupement par province, comptant entre 50 et 100 sociétés.” Leader sur le marché, Schneider Electric vise les plus “gros contrats” : des entreprises consommant entre 150 MWh et 5GWh par an. “La réduction obtenue est de plusieurs euros par MWh, tandis que notre marge est inférieure à un euro par MWh.”

Pourquoi une telle avance en Flandre ? “Le marché a été libéralisé plus tôt”, explique Maxime Beguin. 2003 en Flandre, contre 2007 en Wallonie. “Ce phénomène va se développer dans le sud du pays”, affirme Stéphane Dauchy, spécialiste énergie chez Test-Achats.

Alors, une “solution miracle”, les achats groupés ? Alléchante en tout cas, puisque les acteurs parlent d’une réduction de la facture comprise entre 200 et 300 euros par an. Attention : la comparaison est généralement effectuée avec une moyenne des tarifs pratiqués par les plus gros fournisseurs, comme Electrabel ou Luminus (qui, soit dit en passant, ne participent pas aux achats groupés destinés aux particuliers, terrain de jeu des “challengers”).

Une économie qui peut être réalisée simplement en changeant de fournisseur, sans passer par un achat groupé. La ristourne due au nombre, elle, tourne plutôt entre 2 et 5 % et affiche une durée de vie limitée : un an, pas plus. Non, le véritable mérite des achats groupés, c’est d’avoir fait souffler un vent de dynamisme sur le marché et d’avoir incité des ménages à aller voir ailleurs – ce qu’ils n’auraient peut-être pas fait s’ils n’avaient pas été sollicités.

Avant de foncer tête baissée, la prudence est de mise, rappelle Test-Achats. “Il ne faut pas signer n’importe quoi, sous prétexte que c’est un achat groupé, insiste Stéphane Dauchy. Il est important de savoir sur quel type de tarif l’on s’engage : fixe ou variable.” Autre appel à la vigilance, signé du PTB : en énergie, parfois, prix cassé égale service zéro.

Piquant, le parti du travail rappelle également que les fournisseurs ne sont pas des associations sans but lucratif : s’ils participent aux achats groupés, c’est qu’ils y trouvent leur compte. Des consommateurs qui arrivent par milliers, sans avoir de dépenses marketing à effectuer (60 euros par tête de pipe, estime le PTB).

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