En Grèce, le privé supplée un secteur public défaillant depuis la crise

-

Dans un no man’s land de la banlieue sud d’Athènes, Dionysis Assimakopoulos, au chômage depuis plus de deux ans, se rend comme chaque mois dans le dispensaire de Hellinikon, créé pour subvenir aux besoins des Grecs touchés par la récession.

Le site, érigé sur d’anciennes installations sportives des Jeux Olympiques de 2004 dans la banlieue sud d’Athènes, doit être privatisé et transformé en résidences de luxe, casino, marina et parc sur la côte balnéaire. “Ce serait une grande perte si ce dispensaire venait à disparaître”, déplore Dionysis, dont la femme est aussi au chômage.

Créé par des médecins bénévoles en 2012, au pic de la crise, ce dispensaire fournit gratuitement les médicaments indispensables aux Grecs en situation de pauvreté.

“En moyenne, nous avons besoin de 150 euros par mois de médicaments à cause de problèmes pulmonaires”, témoigne l’ancien boulanger, venu se réapprovisionner.

Achilleas Papadopoulos, ténor à la retraite, est aussi là pour récupérer des antibiotiques “trop coûteux” pour sa petite retraite de 700 euros par mois.

Le dispensaire délivre des médicaments donnés par quelque 40.000 personnes, y compris à l’étranger, note Dimitris Palakas, pharmacien.

“Les inégalités en terme d’accès à la santé sont présentes partout en Europe, mais peut-être qu’en Grèce elles sont plus palpables qu’ailleurs car la crise a ravagé le secteur public”, ajoute le bénévole.

Pendant près d’une décennie de crise grecque, la santé et l’éducation sont parmi les premiers secteurs à avoir souffert de réductions drastiques, pendant qu’une grande partie de la population, frappée par les licenciements, les réductions de salaires et les hausses d’impôts, se retrouvait dans l’incapacité de payer une assurance santé.

En Grèce, où 12% des habitants frôlent le seuil de pauvreté, “seuls 11% de la population possèdent une mutuelle privée qui permet une couverture maladie totale”, constate Grigoris Sarafianos, président de l’Union des cliniques privées grecques.

D’après l’Autorité grecque des statistiques (Elstat), les ménages grecs payaient de leur poche 34,3% des dépenses totales de santé en 2016 (contre 6,8% des Français).

“Le gouvernement d’Alexis Tsipras a permis aux chômeurs de longue durée sans sécurité sociale d’aller de nouveau à l’hôpital gratuitement”, se félicite Petros Boteas, au secrétariat du dispensaire d’Hellinikon.

“Mais les inégalités persistent”, déplore-t-il, soulignant que les assurés sociaux peuvent toujours se rendre dans le privé, quand les Grecs sans couverture sociale “doivent parfois attendre jusqu’à six mois dans le public pour un examen pourtant crucial”.

“Il y a de moins en moins de médecins et de personnels hospitaliers, une longue liste d’attente pour voir un médecin… nous avons un patient atteint d’un cancer qui n’a rendez-vous à l’hôpital que dans trois mois”, dit-il à l’AFP.

Face à un système public défaillant, 125 cliniques privées se partagent un marché porteur.

Dans le centre privé Iatriko d’une banlieue huppée au nord de la capitale, le personnel grouille, le sol est reluisant de propreté et avant toute opération ou scanner, vous êtes invités à passer à la caisse.

– École publique sans chauffage –

L’éducation publique n’a pas non plus été épargnée par la crise. Selon l’OCDE, entre 2011 et 2014, l’État grec a réduit de 24% les dépenses en matière d’éducation.

Les manuels scolaires restent gratuits, mais la baisse du budget a de lourdes conséquences en matière d’équipements informatiques ou de chauffage en hiver. En février dernier, l’école où le Premier ministre Alexis Tsipras a lui-même été élève a dû fermer quelques jours à cause du froid.

Des dizaines de milliers de fonctionnaires ont été licenciés et les embauches ont été gelées, obligeant des milliers de professeurs à quitter le pays. En 2015, environ 25.000 postes inoccupés étaient comblés par des contractuels.

Alors quand son fils a terminé l’école primaire dans le public, Aspasia Apostolou, avocate, a décidé, sous l’impulsion d’un instituteur, qu’un collège privé était une meilleure option.

Elle paie désormais 5.800 euros par an pour la scolarité de son fils, une somme inabordable pour de nombreuses familles en Grèce où le salaire minimum vient tout juste d’être relevé à 650 euros brut par mois.

“Dans son école publique, les enfants rentraient tôt à la maison. De nombreux cours étaient annulés par manque d’effectifs chez les enseignants”, remarque la quadragénaire.

Pour Athanassia, une enseignante retraitée du secteur public, l’école publique tient grâce aux “initiatives privées et à la bonne volonté de certains”.

“J’ai travaillé dans plusieurs écoles où le directeur, les professeurs, les parents payaient de leur poche pour l’essentiel et apportaient discrètement de la nourriture pour les familles dans le besoin”, relate Athanassia qui a travaillé dans 20 écoles différentes pour remplacer les professeurs manquants.

En 2016, Alexis Tsipras a mis en place un programme pour fournir des déjeuners gratuits à des centaines d’écoles de régions défavorisées. Mais les embauches de personnels restent toujours au point mort.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content