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“En France, la vie est belle, mais les Français ne le savent pas”

Si nous continuons à initier de nouveaux projets, à développer les anciens, nous avons déjà gagné une bonne partie du combat qui est devant nous.

Nous voilà au premier tour de l’élection présidentielle en France, et la campagne aura été ensevelie sous un tombereau de sentiments négatifs dont les partis extrémistes, de gauche et de droite, se sont délectés. Pourtant, si tout paraît sombre vu de France, le sentiment est très différent quand on s’en éloigne: “En France, la vie est belle”, titrait voici quelques jours le quotidien progressiste britannique The Guardian. La France bénéficie d’un taux d’inflation qui est la moitié du nôtre, de ménages qui continuent d’investir, de création d’emplois de qualité (1,2 million de jobs créés entre 2017 et 2021) grâce à un système d’apprentissage copié du modèle allemand, de la mise en place de grands plans de réindustrialisation dans l’énergie, l’aéronautique, l’intelligence artificielle, la défense… et d’une french tech qui montre les dents.

Mais voilà, “en France, la vie est belle, mais les Français ne le savent pas“, soulignait un commentateur. Car que sont les statistiques au regard du ressenti des gens? On peut vous dire, chiffre à l’appui, que l’inflation a augmenté de 4%. Mais si le lendemain, vous trouvez dans votre supermarché que le prix des tomates a doublé, c’est cela que vous allez retenir. Et ce qui vaut pour la France vaut pour les autres. Bruno Colmant, sur le plateau de RTL-TVI où l’on parlait de la relance wallonne, soulignait avec justesse que finalement, l’économie, c’est avant tout de la psychologie. “La croissance, disait-il, est d’abord un état de confiance, un état de volonté.” Oui, la situation de la Wallonie est loin d’être excellente. Mais au final, son sort dépendra surtout de la volonté d’en sortir des Wallons. Peu importe les statistiques: la dynamique d’une économie est affaire avant tout de sentiment.

L’économiste britannique Keynes, qui avait traversé lui aussi de nombreuses crises en son temps, avait d’ailleurs basé son modèle sur cette psychologie des foules. Comprendre la croissance, observait-il, revenait à comprendre comment les entrepreneurs anticipent la future demande des consommateurs. Si une entreprise s’attend à ce que les consommateurs euphoriques se ruent vers ses produits, elle va construire davantage de lignes de production, donc investir, embaucher et initier un mouvement tonique. Au contraire, si les consommateurs sont tétanisés, les entrepreneurs anticipent qu’ils ne vont plus rien acheter, ils mettent leurs lignes de productions à l’arrêt, ils licencient, et au final ils causent la crise qu’ils redoutaient.

Interrogée par le quotidien “Les Echos”, la banquière Ana Botin, patronne du groupe espagnole Santander, soulignait l’importance de ce mécanisme aujourd’hui: “Mon message à tous nos collaborateurs est le même qu’à l’ensemble de la société: d’abord, s’occuper de l’urgence humanitaire, des réfugiés, de l’aide aux Ukrainiens ; mais en même temps, nous devons continuer notre vie quotidienne”. Continuer la vie quotidienne, cela veut dire ne pas arrêter ses projets et surtout ne pas tomber dans un catastrophisme qui précipite la catastrophe.

La mauvaise nouvelle est que les anticipations ne sont pas bonnes: la courbe des taux s’inverse, les rendements à court terme commencent à dépasser ceux à long terme, signe que les marchés financiers craignent l’arrivée d’une récession. Mais la bonne nouvelle est que cela dépendra finalement de nous. Si, comme le dit Ana Botin, nous continuons notre vie quotidienne, si nous continuons à initier de nouveaux projets, à développer les anciens, nous avons déjà gagné une bonne partie du combat qui est devant nous.

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