“En Belgique, nous sommes rentrés dans une fable écologiste, le Disneyland du monde de l’énergie”

Damien Ernst, professeur en électromécanique à l'ULiège.
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Invité de Trends Talk, ce week-end sur Canal Z, le professeur Damien Ernst tient des propos très durs sur la gestion du domaine de l’énergie en Belgique.

Damien Ernst, professeur à l’ULiège et spécialiste des questions énergétiques, est l’invité de notre émission Trends Talk, qui passera en boucle sur l’antenne de Canal Z à partir de samedi midi. Il évoque avec des accents très alarmistes le “cataclysme énergétique” auquel la Belgique et l’Europe font face. L’impact pourrait être énorme pour les ménages, les entreprises et générer une crise économique plus large, prévient-il. En dénonçant le manque de réactivité politique. Et en s’inquiétant, par-delà, du fait que l’on ne fasse plus confiance à la technologie pour faire face aux enjeux climatiques – le reflet d’une crise culturelle, selon lui.

Un impact catastrophique

La hausse de la facture d’énergie, une catastrophe pour les revenus les plus faibles? “Mais réalisez la situation, s’indigne Damien Ernst. Comme si cela n’allait pas impacter la classe moyenne également. Si le gaz continue quelques mois encore à être à 100 euros par Mw/h, vous aurez certains ménages qui vont être exposés à une augmentation de leur facture de gaz et électricité de 1500 euros. Vous n’êtes plus dans une situation où ce sont les gens les plus pauvres qui ne savent plus les payer. Vous impactez la classe moyenne, c’est une partie des vacances et des cadeaux de Noël.”

Le monde économique, lui aussi, en souffre terriblement dès à présent – et cela va s’aggraver. “Les entreprises ont vu en quelques mois leur facture tripler ou quadrupler, souligne le professeur. Cela impact leur compétitivité. Qu’est-ce que vous voulez qu’elles fassent ? Une entreprise qui a vendu des produits à l’avance à prix fixe, elle n’a plus de marge, elle coule.” S’ajoute à cela le fait que les Etats-Unis, en première ligne, disposent d’une énergie moins chère, impactant d’autant plus la compétitivité.

Le “Disneyland de l’énergie”

N’avait-on pas vu venir le problème? Lorsqu’il a tiré la sonnette d’alarme, il y a deux mois, on lui riait au nez. “Je n’ai pas dit ça par hasard, je me suis renseigné un peu, explique-t-il. Fin juillet, j’étais dans ma belle-famille en vacances en Espagne, j’analyse davantage ce qui se passe sur les marchés, je vois le prix du gaz arriver à 35-37, je me demandais ce qui se passe. Je prends mes renseignements. J’ai un ami qui est trader à Singapour qui m’annonce que cela allait encore monter. En un coup de fil, je savais… Je me suis renseigné aussi chez les gens de Gazprom pour savoir ce qui se passait chez les Russes : il n’y avait quasiment plus de capacité libre. Dès la fin juillet, la crise était actée.”

Des messages ont été envoyés, le monde politique a été alerté. En vain. “J’ai alerté les médias, les hommes politiques, en leur disant que quelque chose allait leur tomber dessus: pas de réponse, en Belgique, s’indigne Damien Ernst. Dans d’autre pays comme l’Espange ou l’Italie,, on discute de cette crise-là depuis août. Pourquoi ? Parce qu’en Belgique, on est rentré dans une fable écologiste, le Disneyland du monde de l’énergie. Il n’y a plus de rationalité, nous sommes dirigés par des rêveurs qui rêvent de remplacer le nucléaire par je ne sais pas quoi – ou en tout cas en partie par des centrales au gaz. Dès que vous allez à l’encontre de ce discours antinucléaire primitif, cela ne passe plus.” Y compris dans les médias, qui ont une part de responsabilité, selon lui.

Damien Ernst reconnaît qu’il a pris le temps d’analyser la question du nucléaire et qu’il a changé d’avis à ce sujet. Il s’inquiète des conséquences possibles de cette crise, qui pourrait virer en une crise économique plus profonde, comme ce fut le cas dans les années 1970 après la crise pétrolière ou au moment de la crise financière, au milieu des années 2000.

Plus fondamentalement, indique-t-il, cela pose la question de la réponse politique, du manque d’expertise en matière énergétique, mais aussi de la foi en la capacité humaine d’investir face au défi climatique et de créer de nouvelles technologiques pour le futur. L’Europe, dit-il, est entrain de perdre la guerre de l’innovation face à l’Asie ou l’Amérique, pour des raisons culturelles.

Des propos très durs, qui se prolongent dans Trends Talk, tout ce week-end sur Canal Z.

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