Emploi, pensions, fiscalité…: à vos réformes, camarades!
Le gouvernement fédéral est pressé de toutes parts à concrétiser des évolutions majeures dans un contexte budgétaire redevenu difficile… Mais en a-t-il encore la capacité ?
“Avant la pandémie, la Belgique enregistrait une croissance robuste et le taux de chômage y était faible. La reprise qui a suivi la pandémie a été un peu plus soutenue en Belgique que dans l’Union européenne dans son ensemble mais, comme dans bien d’autres pays de par le monde, la reprise y est maintenant affaiblie par les conséquences de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine. Il est d’autant plus urgent aujourd’hui de mener à bien des réformes pour augmenter le taux d’activité, les gains de productivité et la dynamique des entreprises, et garantir la solidité et la viabilité des finances publiques.” Voilà ce qu’a déclaré le secrétaire général de l’OCDE, Mathias Cormann, ce mardi, aux côtés du Premier ministre belge, Alexander De Croo (Open VLD).
Il n’y a plus de temps à perdre : le gouvernement belge doit serrer les rangs pour atterrir sur un certain nombre de dossiers majeurs, d’ici la fin de l’été. Le PS l’a appelé à agir, les libéraux piaffent d’impatience, le Premier ministre a mis les réformes “intérieures” en priorité dans son agenda cette semaine. La question qui se pose est : la Vivaldi est-elle encore en capacité d’agir.
Menace sur la compétitivité et le budget
Le rapport publié par l’OCDE ce mardi est un wake up call supplémentaire. Depuis des mois, le patronat ne cesse de mettre en garde contre les risques engendrés par la crise de l’inflation, initiée par la reprise post-Covid et approfondie par la guerre en Ukraine. Lundi, la Banque nationale s’est montrée plutôt rassurante au sujet des perspectives de l’inflation, qui devrait revenir à des niveaux plus raisonnables l’année prochaine… pour autant que le conflit ukrainien ne dérape pas en guerre mondiale. La perte de pouvoir d’achat devrait être intégralement compensée par l’indexation automatique des salaires. Par contre, précisait le gouverneur Pierre Wunsch, la compétitivité de nos entreprises risque d’être à mal et notre endettement n’autorise plus de frasques budgétaires.
L’étude de l’OCDE ne dit pas autre chose. Elle recommande d’engager une stratégie d’assainissement budgétaire à moyen terme fondée sur des examens des dépenses afin d’abaisser le ratio dette/PIB, qui ressortait à 108.4 % du PIB en 2021, en hausse de plus de 10 points de pourcentage par rapport à 2019. Avec des dépenses publiques qui, à près de 55 % du PIB en 2021, sont parmi les plus élevées de celles de tous les pays de l’OCDE, la Belgique pourrait aussi mettre en place une procédure de budgétisation pluriannuelle incluant une règle de dépenses, soutient l’OCDE. Qui précise : le soutien budgétaire accordé aux ménages et aux entreprises subissant le contrecoup des prix élevés de l’énergie devrait être ciblé et temporaire.
Emploi, pensions, fiscalité : au travail !
L’OCDE invite le gouvernement (les gouvernements, doit-on dire en Belgique) à travailler sur des mesures pour dynamiser le marché du travail, notamment à l’intention des catégories défavorisées “en termes d’éducation, de travail et de logement afin de promouvoir la mobilité sociale, ainsi que de développer les compétences des adultes et de faciliter le redéploiement de l’emploi grâce à une plus grande flexibilité des marchés du marché du travail et des marchés de produit”. Une Conférence nationale sur l’emploi est précisément au menu de ces mardi et mercredi en matière d’emploi des travailleurs hors de l’UE. “Le taux d’emploi des personnes originaires de pays hors UE. 44,3% en 2021, alors que le taux d’emploi général en Belgique était de 71,2%, souligne le ministre fédéral de l’Emploi, Pierre-Yves Dermagne. Il faut agir!”
L’OCDE évoque aussi la nécessité de bouger en matière de pensions et de taux d’emploi pour les plus de 55 ans. “Sans réforme de la part des pouvoirs publics, les dépenses publiques de retraite de la Belgique vont passer de 12.2 % du PIB à 15 % du PIB en 2070, et dépasseront donc la moyenne de l’Union européenne de 12 % du PIB, dit l’OCDE. En Belgique, le taux d’emploi est plus faible que dans des pays comparables, en particulier pour des groupes tels que les travailleurs peu qualifiés, les immigrés ou les personnes handicapées, et l’âge auquel on s’arrête de travailler est en moyenne de 60.5 ans, contre 63.1 ans dans l’OCDE.”
Fiscalité: stimuler l’emploi…
Quant à la fiscalité, elle doit également être revue. Principal objectif : “stimuler l’emploi et la croissance en abaissant les impôts sur le travail, qui restent élevés malgré les réformes passées”.
Les réformes de l’emploi et des pensions font l’objet de bras de fer intenses entre socialistes, libéraux et écologistes – l’épure de Karine Lalieux sur les pensions ayant été sévèrement rejetée l’automne dernier et les derniers projets restent critiques car “peu réalistes”. Le projet de réforme fiscale du ministre CD&V Vincent Van Peteghem est jugée “antilibéral”, trop portée sur les impôts supplémentaires – il faut dire qu’à gauche, on réclame une taxation du capital!
La question qui se pose est donc bien de savoir si la Vivaldi, à bout de souffle, est encore capable de déboucher sur de vraies ambitions dans ces domaines, au-delà de mesures de façade. D’autant que le bras de fer sera, aussi, budgétaire, avec l’endettement qui menace à nouveau en raison de la fin de l’argent gratuit.
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