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Embargo sur le pétrole : se faire mal pour faire mal à la Russie

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

L’Europe a montré son unité. C’est vrai que cela a pris un mois de longues discussions mais, au final, les 27 pays de l’Union européenne se sont mis d’accord pour bannir 90% de leur importation de pétrole russe d’ici à la fin de l’année.

Les plus pessimistes ou cyniques diront que l’Europe a choisi la voie de la facilité, elle a banni le pétrole et encore de manière progressive mais elle n’a pas osé bannir le gaz russe car elle ne peut tout simplement pas s’en passer. C’est vrai, la remarque sonne juste, mais cette décision de bannir le pétrole russe est tout de même un tournant décisif. La raison ? C’est la première fois que l’Europe décide de se faire mal pour faire mal à la Russie. Ce n’est quand même pas anecdotique.

Non seulement les prix vont augmenter en Europe mais en plus, la croissance en Europe va être impactée par cette décision de ne plus importer de pétrole russe d’ici 6 mois. Il est vrai que d’autres pays, les pays Baltes notamment, voudraient aller encore plus loin dans les sanctions : leur discours consiste à dire que “cela va nous couter plus cher, mais c’est seulement de l’argent. Les Ukrainiens, eux, paient de leur vie”. Là encore, c’est vrai. Les plus raisonnables leur disent aussi qu’il faut aussi laisser les sanctions produire leurs effets. Après tout, l’Ukraine a aussi besoin d’une Europe en bonne santé, y compris sur le plan économique.

Bon, cela c’est pour les discussions au sein de notre bonne vieille Europe, mais quid de la Russie ? A très court terme, la Russie va paradoxalement gagner plus d’argent. D’abord, parce que l’embargo sur le pétrole russe sera étalé dans le temps et qu’à court terme le prix de l’or noir est en train de flamber. Autrement dit, c’est une manne céleste qui rentre en ce moment dans les caisses de l’Etat russe. A court terme, la Russie peut également se tourner vers d’autres clients que les Européens pour écouler son pétrole excédentaire, je pense notamment à la Chine. Mais c’est à nuancer, d’abord parce que les raffineurs chinois ne sont pas idiots, ils achètent ce pétrole russe mais avec des rabais considérables. Ensuite, comme la croissance chinoise est en train de ralentir (à cause de la politique de zéro-covid du gouvernement chinois) la demande mondiale de pétrole finira par baisser et donc le prix de l’or noir va également chuter.

Au final, à moyen terme, le régime de Poutine va voir se tarir une de ses principales sources de revenus. Je rappelle qu’au cours actuel, au lieu de gagner 10 milliards d’euros par mois avec son pétrole, la Russie n’en gagnera plus qu’un milliard. Comme l’indiquait un spécialiste de l’énergie à mes confrères du Figaro, c’est un manque à gagner important surtout quand on sait que la Russie consacre 60 milliards d’euros à son armée. Et il a raison de dire que c’est la première fois que l’on commence à toucher l’une des deux jambes de l’économie russe que sont le pétrole et le gaz. En résumé, oui, après plus de 100 jours de guerre, l’Europe a changé de cap : elle a choisi de se faire mal pour faire mal à la Russie.

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