Lire la chronique d' Amid Faljaoui
Embargo, solidarité et prix à la pompe
C’est donc décidé, les Etats-Unis imposent un embargo sur le pétrole russe. C’est une arme redoutable car c’est évidemment la principale ressource de la Russie ; les experts parlent de 600 millions de recettes par jour.
Joe Biden a pris cette décision sous la pression des parlementaires américains qui, pour une fois, étaient unis, entre Démocrates et Républicains, pour punir le vilain Poutine. Seulement voilà, si les Etats-Unis imposent cet embargo, c’est aussi parce qu’il n’a aucun impact sur leur économie : les Américains importent 0% de pétrole russe et à peine 3% de gaz russe. Et si vous ajoutez à cela qu’ils sont loin géographiquement du champ de bataille, vous comprenez mieux la fermeté de Joe Biden.
En revanche, l’Europe n’a pas encore pris de décision. Un sommet européen devrait discuter de tout ceci ce jeudi et vendredi. A priori, la réponse devrait être non : pas d’embargo pour l’Europe ! Pour la raison exactement inverse des Etats-Unis, à savoir que l’Europe importe 20% de son pétrole de Russie et 40% de son gaz. Le chancelier allemand a déjà indiqué qu’il était impossible pour son pays de se passer du gaz russe, et que le faire reviendrait à provoquer des remous sociaux en Allemagne. Un autre ministre a même ajouté que cela ne servirait à rien de décréter l’embargo si 3 semaines après, faute d’électricité, les Européens doivent lever les sanctions… Quant à l’Italie, sa réponse est tout aussi claire : elle a calculé qu’il lui faudrait entre 24 et 30 mois pour se passer du gaz russe. Donc en bonne logique, il faut oublier de voir l’Europe imposer un embargo à la Russie comme viennent de le faire les Américains.
Si ce raisonnement est juste (et en la matière, il faut rester modeste, personne n’est certain de l’avenir) ce à quoi on va assister, c’est à une guerre d’usure entre la Russie et l’Europe. C’est au premier qui va craquer. Certes l’Europe doit faire face à une envolée de sa facture énergétique, mais en Russie, c’est pire, c’est toute l’économie qui est en train de subir un choc traumatique. Qui va craquer le premier ?
Le citoyen russe qui n’arrive plus à vivre normalement et qui va voir son pouvoir d’achat chuter dramatiquement ? Ou est-ce le citoyen occidental qui souffre déjà avec un prix à la pompe à 2 euros aujourd’hui mais qui pourrait passer à 3 euros demain si l’Europe décrète aussi un embargo ? On le voit bien aujourd’hui : la guerre a toujours un prix. S’il n’est pas humain pour nous autres Européens de l’ouest, ce prix se manifeste par une inflation qui frappe en premier lieu les plus démunis. Jusqu’où ira donc notre solidarité avec l’Ukraine, va-t-elle s’arrêter à 2 euros cinquante ou à 3 euros la pompe ? C’est l’une des questions que nous pose ce bras de fer avec notre voisin russe.
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