Lire la chronique d' Amid Faljaoui
Ecolos au nord, pollution au sud
La fin d’année est toujours propice à quelques réflexions. Prenons le cas du réchauffement climatique : plus personne de censé ne discute son existence ni de l’urgence d’agir.
Le souci, c’est que comme le proclamait François Mitterrand devant le parlement allemand, “les pacifistes sont à l’ouest et les missiles sont à l’est“. Aujourd’hui, on serait tenté de paraphraser l’ancien président français en écrivant que “l’écologie est au nord et la pollution au sud“. Excessif ? Sans doute, mais la question a le mérite d’être posée, car le discours écolo radical ambiant en Europe (surtout en France et en Belgique) a tendance à faire oublier que notre Vieux Continent est à la pointe des efforts en matière de réduction de la pollution.
D’ailleurs l’Europe n’est responsable que de 8% des émissions de CO2 dans le monde. Mais est-ce une raison pour ne plus rien faire ? Absolument pas, bien entendu. D’autant qu’à ce pourcentage, il faut bien entendu ajouter la pollution exportée en Asie par nos délocalisations. Autrement dit, il faut pour être de bon compte intégrer le montant carbone de nos importations. N’empêche, comme le font remarquer certains économistes, l’Europe est en train de se faire hara-kiri. D’autres parlent même de suicide économique. Motif ? Le continent qui a la plus faible croissance économique se dote d’une législation extrêmement contraignante en matière écologique alors que ses deux principaux concurrents, la Chine et les Etats-Unis sont plus timorés sur ce plan.
En d’autres mots, l’Europe veut donner l’exemple au monde entier : elle veut laver plus blanc que blanc ou plutôt vert, ce qui est très bien en soi. Mais que faire si cette vertu n’est pas partagée ? Que faire si notre exemple n’est pas suivi par les autres qui sont les principaux émetteurs de CO2 ? Posez la question aux constructeurs automobiles européens. La disparition des moteurs thermiques à marche forcée à horizon de 2030 ou 2035 va d’abord se traduire par des pertes d’emplois colossales. De l’ordre de plusieurs centaines de milliers de jobs en Europe. Des pertes d’emplois chez nous, pas en Chine ou aux Etats-Unis ! Et puis, l’autre question vise le citoyen si prompt à défiler pour le climat : est-ce que ce citoyen va accepter de payer un peu plus ses produits et ses services pour respecter nos valeurs ?
N’oublions pas que l’économie ne fait qu’intégrer nos valeurs dans les prix. Un exemple récent ? Vous êtes Britannique et vous voulez retrouver ou sauvegarder votre identité, vous voulez décider seul de votre avenir sans l’aide de ces horribles eurocrates de Bruxelles ? Bref, vous voulez le Brexit ? Fine, c’est votre choix souverain, mais ne vous étonnez pas de payer plus cher vos produits en raison des tracasseries administratives aux frontières et de l’absence de chauffeurs routiers en provenance d’Europe de l’Est ! Même démarche pour la planète plus verte, elle est accompagnée d’un prix à payer à court terme. Normal ? Oui, sauf qu’entre ce que dit le citoyen dans les sondages et ce qu’il fait, il y a loin de la coupe aux lèvres. Le meilleur exemple, qu’on cite souvent, c’est ce robot de cuisine à toute faire : Thermomix. La marque européenne qui le fabrique le vend autour des 1.300 euros. Lorsqu’un distributeur low cost, comme Lidl, propose pour la première fois, un robot similaire à 300 euros, c’était l’émeute dans les magasins Lidl ! Autrement dit, le citoyen européen défile et réclame la vertu, le législateur européen finit par l’imposer, mais à l’arrivée, trop souvent la consommation éthique ressemble à ce que disait le poète Jean Cocteau à propos de l’amour : “Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour“. Ne vous méprenez pas sur mes propos, la transition écologique est absolument nécessaire, mais les politiques les plus radicaux ont juste oublié de dire à la population qu’elle a aussi un prix.
En 2022, les mêmes politiques feront semblant de découvrir la poussière sous le tapis. Le débat ne fait que commencer et notamment pour savoir qui paiera cette transition. Il ne faut pas être grand devin pour imaginer que ceux et celles qui lisent ma prose seront les premiers visés.
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