Du Kirghizistan aux Philippines, la démocratie mise à mal en Asie

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Dans cette partie du monde aussi les despotes ne cessent de gagner du terrain, malgré des sursauts qui viendront certainement d’Inde ou d’Indonésie.

Depuis quelques années, dans une grande partie de l’Asie, les despotes ne cessent de gagner du terrain face à des démocrates sur la défensive. Du Kirghizistan aux Philippines, des Etats qui affichaient tous les atours de la démocratie s’en prennent à l’opposition et bafouent les libertés civiques. Des hommes en uniforme se sont emparés du pouvoir, comme en Thaïlande, ou l’exercent en coulisses, comme au Pakistan, tandis que d’autres encore persécutent ostensiblement des civils, comme c’est le cas en Birmanie. Pour chaque étincelle d’espoir (des hommes forts renversés par les urnes en Malaisie et aux Maldives, par exemple), il y a eu plusieurs douches froides (un scrutin truqué au Cambodge, le report des élections en Thaïlande, l’opposition neutralisée au Bangladesh). On assistera pourtant en 2019 à un retour en force de la démocratie.

Des progrès mais…

Les deux plus grandes démocraties du continent – l’Inde et l’Indonésie – organisent des élections. Ensemble, elles représentent près d’un cinquième de la population mondiale. Et les scrutins montreront que, même si elle n’est pas en excellente santé, la démocratie est bien vivante et dynamique dans les deux pays.

On constatera également des progrès ailleurs. Depuis cinq ans, les généraux qui gouvernent la Thaïlande promettent chaque année de tenir des élections dans les 12 mois, puis les reportent systématiquement. En 2019, ils laisseront enfin leurs citoyens s’exprimer. Tout ne sera pas parfait, loin de là : la nouvelle Constitution, taillée sur mesure pour empêcher pour la première fois depuis 2001 les candidats proches de l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra d’obtenir une majorité, remplira son office. Prayuth Chan-ocha, chef de la junte au pouvoir, entrera dans la mêlée dans l’espoir de rester aux manettes. Les généraux devront toutefois se résoudre à passer des accords avec des représentants politiques élus, et la démocratie pourrait être difficile à diriger.

C’est également une leçon de ce type qui attend les dirigeants pakistanais en 2019. L’armée, dont les manipulations ont contribué à installer Imran Khan dans le fauteuil de Premier ministre en août, sera surprise par les tensions qui apparaîtront très rapidement avec son gouvernement. Imran Khan cherchera à démontrer qu’il n’est pas une marionnette et s’attachera à récompenser sa base électorale. Or, beaucoup de Pachtounes qui ont voté pour lui n’ont pas pardonné aux forces armées les exactions qu’elles ont commises au cours de leur campagne contre les terroristes islamistes.

Le commandant en chef des Philippines, Rodrigo Duterte, devrait connaître un sort similaire. En juin, parvenu à la moitié de son mandat de six ans, il aura davantage de mal à convaincre le Congrès de céder à ses injonctions. Son projet de révision de la Constitution n’aboutira pas.

Au Bangladesh et au Cambodge, où les autorités musèlent implacablement l’opposition pour s’assurer la victoire aux élections, l’étau de la répression se desserrera. Mais les motivations de Sheikh Hasina Wajed et de Hun Sen, chefs de gouvernement respectifs de ces deux pays, n’auront rien d’altruiste : il s’agira surtout de couper court aux reproches de la communauté internationale à leur encontre. Il n’en sera toutefois pas moins réconfortant de voir quelques personnalités politiques d’opposition sortir de leurs geôles pour retrouver la lumière éclatante des tropiques.

Oppression toujours

Il n’y aura malheureusement pas que des bonnes nouvelles : les réfugiés rohingyas qui fuient la Birmanie vers le Bangladesh depuis un an ne bénéficieront d’aucun dédommagement. Et en Corée du Nord, quoi que pensent les citoyens des négociations avec l’Amérique sur les armes nucléaires, personne ne sera assez fou pour voter contre le parti au pouvoir lors des élections fantoches de 2019. De fait, quelle que soit l’issue de ces pourparlers, l’oppression grotesque des Nord-Coréens ordinaires se poursuivra sans relâche.

Par Edward McBride.

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