Dombrovskis, un poids lourd de la Commission pour reprendre le Commerce

Valdis Dombrovskis © isopix

Nommé mardi commissaire européen au Commerce, le Letton Valdis Dombrovskis, s’est forgé, en six ans passés à la Commission, la réputation d’un homme sérieux et compétent, rompu aux questions économiques, mais desservi par une image austère.

Ancien premier ministre de Lettonie, il est parvenu, sans coups d’éclats, à tracer sa route à Bruxelles, où il est arrivé en 2014, jusqu’à devenir fin 2019 l’un des trois “vice-présidents exécutifs” de l’équipe composée par la nouvelle présidente Ursula von der Leyen –un titre qu’il conservera.

Après cinq ans à s’occuper de l’euro sous la Commission Juncker (2014-2019), cet homme de droite était depuis un an en charge de l'”Economie au service des personnes”, un portefeuille où il chapeautait d’autres commissaires –tout en gardant la responsabilité de la finance.

Le visage rond, d’immuables lunettes rectangulaires et une raie impeccable sur le côté, Valdis Dombrovskis est un habitué des réunions des ministres des Finances de l’UE.

En conférence de presse, il répond inlassablement aux journalistes dans un anglais monocorde, sans trait d’esprit, mais parfois aussi sans langue de bois.

A ses anciens postes de commissaire, il était, entre autres, chargé de négocier l’accord sur les investissements que l’UE cherche à conclure avec la Chine et avait suivi les travaux visant à réformer l’Organisation mondiale du commerce (OMC), rappelle-t-on dans son entourage.

– Très populaire dans son pays –

“Il a aussi beaucoup travaillé avec les Etats-Unis, sur les décisions financières, les marchés financiers, le blanchiment d’argent… On a eu beaucoup de contacts avec (le secrétaire américain au Trésor Steven) Mnuchin”, souligne-t-on de même source.

A l’époque de son arrivée au pouvoir en 2009, dans ce petit pays balte méfiant envers la Russie en raison de leur histoire, il était à 37 ans le plus jeune Premier ministre d’Europe. Il avait annoncé sa démission en novembre 2013 après l’effondrement du toit d’un supermarché à Riga qui avait fait 54 morts.

Aujourd’hui encore, il détient le record de longévité au poste de Premier ministre depuis le retour de la Lettonie à l’indépendance en 1991.

Il est resté populaire dans son pays, grâce à une image d’homme politique honnête, et ce, malgré la douloureuse cure d’austérité imposée par un plan de sauvetage international quand il était aux manettes.

Sa gestion de la crise lui avait cependant permis de gagner le respect de ses pairs européens, en particulier de la chancelière allemande Angela Merkel.

Ce physicien de formation a par ailleurs été l’artisan de l’adhésion de la Lettonie à la zone euro, à laquelle ce pays de deux millions d’habitants a adhéré le 1er janvier 2014, malgré une opinion publique très réticente.

Tour à tour économiste en chef de la Banque centrale lettone, député européen ou ministre des Finances, Valdis Dombrovskis, 49 ans, parle anglais, allemand, russe et a des connaissances d’espagnol.

Il dit apprécier le basket, sport roi dans les pays baltes, ainsi que le ski et la plongée.

Il aime les films américains des frères Coen et affiche son éclectisme en matière musical, entre le groupe de pop britannique Depeche Mode et celui de métal industriel allemand Rammstein.

Les 5 dossiers chauds du nouveau commissaire au Commerce

Etats-Unis, Mercosur, Brexit, environnement: nommé mardi commissaire au Commerce de l’Union européenne en remplacement de l’Irlandais Phil Hogan, démissionnaire, le Letton Valdis Dombrovskis hérite de plusieurs dossiers brûlants.

– Normaliser la relation transatlantique –

Entre taxes punitives sur l’acier et l’aluminium, menaces sur les automobiles et différends sur la taxation des Gafa, les relations commerciales de l’UE avec Washington n’ont cessé de s’envenimer depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir en 2017.

Dans ce contexte, les Européens – qui ont quand même réussi à limiter la casse – attendront avec anxiété le résultat de la présidentielle américaine de novembre.

Si Trump l’emporte, l’UE et son nouveau commissaire continueront à marcher sur un fil, entre diplomatie et répliques ciblées aux attaques.

En cas de victoire de Joe Biden, la relation devrait se détendre pour permettre un retour au multilatéralisme, notamment via une réforme de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

“Mais on ne reviendra pas au monde d’avant Trump : des traces vont rester, comme des tarifs ou une certaine forme de préférence nationale”, prévient Cécilia Bellora, économiste au Cepii, interrogée par l’AFP.

– Trouver une issue avec le Mercosur –

Conclu en grande pompe à l’été 2019 après 20 ans de discussions, l’accord commercial de l’UE avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay) est aujourd’hui au point mort.

Les Parlements autrichien et néerlandais, qui doivent le ratifier comme l’ensemble des parlements européens, l’ont déjà rejeté sous sa forme actuelle et la Belgique, la France, l’Irlande ou le Luxembourg sont réticents.

Même Berlin, grand promoteur du texte, a récemment fait volte-face.

En cause, ses conséquences pour les agriculteurs européens mais surtout les risques qu’il fait courir à l’environnement, en particulier en matière de déforestation en Amazonie, favorisée par le président brésilien Jair Bolsonaro.

“Je ne vois pas bien comment faire passer le texte tel quel avec le pouvoir en place au Brésil”, souligne l’experte.

– Mieux prendre en compte l’environnement –

Voilà des années que les ONG accusent l’UE de ne pas considérer suffisamment les problématiques sanitaires, environnementales et le réchauffement climatique dans ses accords commerciaux.

Il s’agit même du coeur de leur contestation du TTIP (l’accord avec les Etats-Unis aujourd’hui enterré), du CETA (avec le Canada) ou de l’accord avec le Mercosur.

Pour Samuel Leré, de la Fondation pour la nature et l’homme, “la dimension climatique” doit devenir “essentielle dans la politique extérieure de l’UE, ce qui nécessite une modification de la politique commerciale”.

Dès son arrivée fin 2019, la nouvelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a érigé le sujet en priorité.

Outre la récente nomination d’un responsable chargé de veiller au respect des accords commerciaux, l’Allemande a lancé une consultation pour réformer la politique commerciale de Bruxelles. Deux chantiers que le nouveau commissaire devra mener.

– Gérer l’après-Brexit –

Accord post-Brexit ou non, la relation commerciale entre les îles britanniques et le continent devra être réinventée dès le 1er janvier 2021, quand le départ du Royaume-Uni deviendra pleinement effectif.

La tâche devrait revenir au nouveau commissaire au Commerce, le négociateur en chef de l’UE sur le Brexit, Michel Barnier, ayant annoncé la fin probable de sa mission le 31 décembre.

Entre files d’attente aux frontières, droits de douane élevés et intérêts divergents des Etats membres, la mission pourrait être particulièrement difficile en cas de “no deal”.

“Ne permettons pas que cette question divise l’Europe”, a récemment prévenu Peter Altmaier, ministre allemand de l’Economie, dont le pays occupe la présidence tournante de l’UE.

– Renforcer la protection du marché intérieur –

Le nouveau commissaire au Commerce devra s’assurer que les partenaires commerciaux de l’UE échangent en respectant des conditions de concurrence équitables au niveau environnemental, social ou encore des aides publiques aux entreprises.

“Il faut appliquer les mêmes règles de production aux produits importés”, insiste Samuel Leré.

La Chine, premier pollueur mondial, reine du dumping et qui a l’habitude de privilégier ses entreprises, est concernée au premier chef.

Peter Altmaier espère que Bruxelles et Pékin, qui négocient un accord sur les investissements, arriveront “à tomber d’accord sur des règles communes”, notamment “pour éviter que les investisseurs étrangers disposent de moins de droits que les investisseurs chinois sur le territoire chinois”.

L’UE devrait par ailleurs se lancer en 2021 dans un chantier aussi vaste que sensible : la mise en place d’une taxe carbone à ses frontières, afin que le prix des produits importés intègre le coût environnemental.

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