Dix mesures à prendre pour réduire d’un tiers la dépendance en gaz russe
L’Agence internationale de l’énergie a formulé 10 mesures que l’Union européenne pourrait mettre en place cette année afin de réduire de plus d’un tiers les importations de gaz russe. Et des options supplémentaires permettraient de porter ces réductions à plus de la moitié.
L’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine a montré à nouveau la dépendance de l’Europe à l’égard du gaz naturel russe.
Selon l’Agence internationale de l’énergie (IEA), en 2021, l’Union européenne a importé environ 140 milliards de mètres cubes de gaz par gazoduc depuis la Russie. En outre, environ 15 milliards de mètres cubes ont été livrés sous forme de gaz naturel liquéfié. L’addition des deux – soit 155 milliards de mètres cubes – a représenté environ 45 % des importations de gaz de l’UE l’an dernier.
Même si l’objectif “zéro émission” pour 2050 fixé par la Commission européenne entraînera une diminution de la consommation et donc des importations de gaz, l’Agence s’inquiète des conséquences de cette crise et notamment sur les consommateurs les plus vulnérables.
Dans le but de réduire cette dépendance, l’IEA a sorti ce 3 mars un rapport intitulé “Un plan en 10 points pour réduire la dépendance de l’Union européenne vis-à-vis du gaz naturel russe”. Un enjeu de taille dans une guerre entre la Russie et l’Union européenne qui ne reste pour l’instant qu’économique.
Personne ne se fait plus d’illusions. L’utilisation par la Russie de ses ressources en gaz naturel comme une arme économique et politique montre que l’Europe doit agir rapidement pour être prête à faire face à une incertitude considérable sur les approvisionnements en gaz russe l’hiver prochain. L’Europe doit rapidement réduire le rôle dominant de la Russie sur ses marchés de l’énergie et développer les alternatives aussi vite que possible.
Déclaration du directeur exécutif de l’IEA, Fatih Birol, dans un communiqué de presse
Se tourner vers l’énergie verte et réduire sa consommation
Une série de 10 mesures prises dans les prochains mois pourrait permettre à l’UE de réduire sa demande annuelle de gaz russe de plus de 50 milliards de mètres cubes en un an, soit une réduction de plus d’un tiers.
Voici les 10 mesures recommandées par l’Agence internationale de l’énergie :
- Ne pas signer de nouveaux contrats de fourniture de gaz avec la Russie.
- Remplacer les approvisionnements russes par du gaz provenant de sources alternatives (soit augmenter l’approvisionnement en gaz non russe d’environ 30 milliards de mètres cubes en un an).
- Introduire des obligations minimales de stockage de gaz.
- Accélérer le déploiement de nouveaux projets éoliens et solaires (soit réduire la consommation de gaz de 6 milliards de mètres cubes en un an).
- Maximiser la production d’électricité à partir de la bioénergie et du nucléaire (soit réduire la consommation de gaz de 13 milliards de mètres cubes en un an).
- Adopter des mesures fiscales à court terme sur les bénéfices exceptionnels afin de protéger les consommateurs d’électricité vulnérables contre les prix élevés.
- Accélérer le remplacement des chaudières à gaz par des pompes à chaleur (soit une réduction de la consommation de gaz de 2 milliards de mètres cubes supplémentaires en un an).
- Accélérer les améliorations de l’efficacité énergétique dans les bâtiments et l’industrie (soit une réduction de la consommation de gaz de près de 2 milliards de mètres cubes en un an).
- Encourager les consommateurs à réduire temporairement leur thermostat de 1 °C (soit une réduction de la consommation de gaz de 10 milliards de mètres cubes en un an).
- Intensifier les efforts pour diversifier et décarboner les sources de flexibilité du système électrique .
Le prix du sacrifice
L’IEA fait également remarquer que d’autres possibilités s’offrent à l’Union européenne si elle souhaite réduire sa dépendance à l’égard du gaz russe encore plus rapidement. Mais le sacrifice serait beaucoup plus grand.
Le prix à payer pour l’Europe serait de trahir ses engagements pris avec le Green Deal – ou Pacte Vert – et faire un pas en arrière dans la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre. En effet, l’IEA propose de recourir davantage au parc européen de centrales au charbon ou en utilisant des combustibles de substitution, comme le pétrole, dans les centrales au gaz existantes.
Si ces options sont choisies, cela pourrait entraîner une plus forte réduction annuelle des importations de gaz russe, pour atteindre 80 milliards de mètres cubes, soit plus de la moitié. Mais difficile d’imaginer l’Europe prendre un tel virage et sacrifier ses objectifs environnementaux à cause des inspirations guerrières de son voisin russe.
L’IEA conclue dans son rapport qu’il ne sera pas simple de réduire la dépendance de l’UE au gaz russe. Selon elle, cela nécessitera un effort politique concerté et soutenu dans de multiples secteurs, ainsi qu’un dialogue international fort sur les marchés et la sécurité énergétique.
Réduire notre dépendance à l’égard du gaz russe est un impératif stratégique pour l’Union européenne. L’attaque de la Russie contre l’Ukraine est un moment décisif. La semaine prochaine, la Commission proposera une voie pour que l’Europe devienne indépendante du gaz russe le plus rapidement possible.
Déclaration de Kadri Simson, commissaire européen à l’énergie, dans un communiqué de presse
Aurore Dessaigne
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