Dette, inflation et élections: un cocktail dangereux pour l’Argentine

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Une dette publique proche des 100% du PIB, une inflation parmi les plus élevées de la planète et une incertitude politique à deux mois du scrutin présidentiel constituent les principaux ingrédients d’un cocktail détonnant pour l’Argentine, en récession depuis 2018.

– Incertitude politique –

C’est une crise monétaire, en avril 2018, qui a déclenché le marasme économique que connaît actuellement l’Argentine et a conduit le président, le libéral Maurcio Macri, à faire appel au Fonds monétaire international (FMI). Le Fonds lui a octroyé un prêt de 57 milliards de dollars sur trois ans en échange d’un plan de rigueur pour réduire le déficit de l’Etat, autre facteur d’inflation.

Avec plus d’un tiers de sa population plongée dans la pauvreté, un taux de chômage en hausse, à 10,1%, et une consommation à la baisse, l’Argentine a basculé dans une nouvelle dimension au soir du 11 août.

Le candidat péroniste de centre gauche, Alberto Fernandez, s’est positionné comme le favori à la présidentielle d’octobre en décrochant 47% des voix lors des primaires, vues comme une répétition générale du scrutin, loin devant M. Macri, à 32%.

Très critique vis-à-vis de l’accord scellé avec le FMI, M. Fernandez a une colistière de poids qui postule à la vice-présidente: l’ex-chef de l’Etat Cristina Kirchner (2008-2015), qui a appliqué des politiques protectionnistes, s’est mis à dos les agriculteurs et a mis en place le contrôle des changes.

Malgré des déclarations qui se veulent rassurantes, les marchés se montrent très inquiets dans la perspective d’un changement de gouvernement à la tête de la troisième économie d’Amérique latine. Jeudi encore, la Bourse argentine a plongé de près de 6% (-5,79%) tandis que la Banque centrale a dû intervenir massivement pour contenir le peso.

“Fernandez est dans une situation très compliquée et délicate. Il doit critiquer l’accord avec le FMI pour continuer d’être crédible face aux péronistes les plus radicaux, mais il doit aussi adopter une posture plus modérée concernant la restructuration de la dette argentine”, explique à l’AFP Michael Shifter, du centre de réflexion Inter-American Dialogue, basé à Washington.

– La dette –

La crainte principale des marchés et des propres Argentins, tient en six lettres: “défaut”.

En 2001, le pays sud-américain, incapable de faire face aux échéances de remboursement de sa dette, avait connu le plus important défaut de paiement de l’histoire et une grave crise économique et sociale qui avait traumatisé les Argentins et les marchés financiers.

Conséquence : les investisseurs ont arrêté d’acheter des titres et les épargnants ont retiré en masse leurs économies en dollars.

Bien que le pays possède des réserves de l’ordre de 57 milliards de dollars, elles apparaissent insuffisantes pour garantir les dépôts bancaires et les titres de dettes.

Mercredi, le ministre des Finances, Hernan Lacunza, a souligné que “l’Argentine n’avait pas un problème de solvabilité, mais de liquidité à moyen terme”, avant de proposer un rééchelonnement de la dette avec le FMI et les créanciers privés.

– Volatilité des changes –

M. Lacunza a souligné que sa priorité était de freiner la dépréciation du peso pour contenir l’inflation, une des plus élevée au monde: 25,1% entre janvier et juillet, 54,4% sur les 12 derniers mois.

Le taux de change est un élément-clé de la capacité de l’Argentine à payer sa dette: celle-ci est composée à 80% de devises.

Ces derniers jours, la Banque centrale a injecté autour de 300 millions de dollars par jour sur le marché des changes pour contenir la monnaie. Le peso argentin a perdu plus de 20% depuis les primaires du 11 août et près de 70% depuis janvier 2018.

Pour tenter de freiner la fuite des capitaux, le taux directeur est au-dessus de 70% par an, un des plus haut du monde.

– L’économie peut-elle se stabiliser ? –

La stabilité économique dépend de la volonté de trois acteurs : le gouvernement, l’opposition et le FMI, juge l’économiste Martin Vauthier.

Le scrutin à venir est un difficile exercice d’équilibre pour les deux camps politiques, entre urgences économiques du pays et promesses de campagne.

Le FMI pourrait faire pencher la balance, “tant il veut à la fois récupérer son argent que démontrer que son programme a marché”, estime M. Vauthier.

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