Des guichets à l’autonomie de la SNCB, la gouvernance de l’entreprise ferroviaire en question

Georges Gilkinet et Sophie Dutordoir, une lune de miel perturbée. © BELGA IMAGE
Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

La SNCB est en principe une entreprise publique autonome. Le conflit sur la fermeture de guichets, où le ministre de tutelle souhaitait revoir une décision de gestion du transporteur, met en doute ce statut fort affaibli.

La lune de miel entre la SNCB et son ministre de tutelle semble bien perturbée. Depuis la formation du gouvernement De Croo, Georges Gilkinet (Ecolo) a multiplié les gages de soutien au rail, annonçant des moyens nouveaux, ce qui contrastait avec les mesures d’économies imposées par l’équipe précédente.

Tout allait donc pour le mieux, jusqu’à ce que le même ministre invite la SNCB à revoir une décision de fermeture de guichets dans 44 gares, inactifs au moins 60% du temps, au profit des automates et d’une nouvelle application. La CEO de l’entreprise publique, Sophie Dutordoir, a réagi par une lettre courroucée, rappelant au ministre qu’il avait été associé à cette décision et l’avait approuvée. “Cette initiative inattendue a provoqué un grave abus de confiance à mon égard”, concluait la CEO, selon des fuites parues dans la presse.

Il apparaît que Georges Gilkinet a réagi sous la pression d’élus, jusque dans son propre parti. Jean-Marc Nollet, coprésident d’Ecolo, avait ainsi annoncé sur Bel RTL que “le ministre de tutelle considère que cette mesure n’est pas correcte. Il la désapprouve. Il va s’attacher à la faire corriger”.

Il est temps de tirer les leçons de l’expérience de l’entreprise autonome, de ses dérapages, et de la remettre sur les rails.

Ces propos de façade – la décision de fermer les guichets a été confirmée le 9 février – semblent nier le statut d’entreprise autonome de la SNCB, qui relève d’une loi votée en 1991. “Son but était d’éviter une intervention permanente du gouvernement. L’Etat fixe les orientations et les moyens financiers fournis à travers un contrat de gestion. Son exécution est évaluée par le gouvernement et analysée par la Cour des comptes, explique Henry-Jean Gathon, professeur en économie des transports à l’Université de Liège. A ma connaissance, les guichets ne relèvent pas de ce contrat. Le ministre est représenté par un commissaire du gouvernement, qui peut enclencher une procédure s’il estime qu’une décision votée est contraire au contrat de gestion. Il ne l’a pas fait pour les guichets.”

Attendu depuis 2012

Ce statut d’entreprise autonome s’est affaibli. Les gouvernements successifs ont été incapables de négocier un nouveau contrat de gestion après l’échéance de 2012. Georges Gilkinet promet de régler cette situation de carence, de signer un contrat de service public (le nouveau nom de cette convention) pour 2023. “L’ancien contrat est prorogé mais a été revu sous forme de multiples avenants”, poursuit Henry-Jean Gathon. Notamment quand l’Etat a réduit ses subsides…

Il est temps de tirer les leçons de l’expérience de l’entreprise autonome, de ses dérapages, et de la remettre sur les rails. La loi de 1991 n’a pas évité les débordements comme les projets de gares disproportionnées et dispendieuses (Liège et Mons) arrachées par les élus locaux et ne semble plus empêcher des interventions politiques sur des matières relevant de l’autonomie de la SNCB. Ce malaise explique en partie la valse des CEO à la tête de l’entreprise. Or, cette dernière traverse actuellement une crise sans précédent, avec la pandémie qui a fait chuter ses ressources, ce qui va tendre la gestion de ses moyens.

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