“Des coalitions différentes, c’est la logique du fédéralisme”

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Le gouvernement bruxellois a été installé sans tenir compte des possibilités de majorité aux autres niveaux de pouvoir. Est-ce une manière adéquate de faire fonctionner le fédéralisme ? 3 questions à Caroline Van Wynsberghe, politologue (UCLouvain).

Le gouvernement bruxellois est maintenant sur pied. Faudrait-il veiller à une symétrie des coalitions entre les différents exécutifs ?

L’autonomie, c’est la logique même du fédéralisme. Si on a estimé qu’il fallait des politiques spécifiques d’une entité à l’autre, il faut alors admettre que les projets de ces entités puissent être différents et qu’ils puissent être portés par des acteurs différents. Cette question de la symétrie des coalitions, c’est presque un héritage belgo-belge. Le fédéralisme belge est un fédéralisme par défaut. On a mis en place une formule qui s’est retrouvée être le fédéralisme. Mais nous sommes restés avec de vieilles habitudes, avec cette idée que c’est quand même plus facile si les majorités sont identiques partout. Pendant longtemps, le gouvernement fédéral a été formé par des familles politiques. Cette logique a été transposée aux majorités des entités fédérées. Si c’est pour faire la même chose partout, avec les mêmes partis, pourquoi fallait-il décentraliser ?

Si les majorités varient d’une entité à l’autre, il est quand même souhaitable de les faire fonctionner ensemble, au moins sur certains dossiers. Comment faire alors dans un Etat sans hiérarchie des normes ?

C’est tout simplement une question de personnes et de bonne volonté. Le jeu politique, en Belgique comme ailleurs, ce sont des personnes qui portent des projets différents mais qui parviennent à se parler et à dégager des compromis. Sous la législature précédente, les majorités étaient identiques au gouvernement flamand et dans le rôle linguistique flamand du gouvernement fédéral. Il y a pourtant eu de vives tensions entre les deux niveaux de pouvoir. Et c’est parfaitement normal : le gouvernement flamand porte des priorités et des aspirations différentes de celles du niveau fédéral. Tout comme au parlement bruxellois, un élu d’Evere et un élu d’Anderlecht issus du même parti n’auront pas forcément une appréciation identique de tous les dossiers. Les tensions se résolvent en se parlant, pas spécialement en essayant d’installer les mêmes majorités partout.

Le processus de formation du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles est joint à celui de la Wallonie mais pas à celui de Bruxelles. N’est-ce pas pour le moins paradoxal ?

La FWB n’a rien d’une fédération. Elle est certes l’émanation des deux Régions mais de manière très déséquilibrée. Sans vouloir jouer les Calimero, les Bruxellois y sont nettement minorisés. Cela apparaît presque naturel de négocier le gouvernement de la Fédération en parallèle à celui de la Wallonie. On retrouve ici tous les travers d’un fédéralisme belge qui n’a jamais pu choisir entre les Régions et les Communautés. Cela pourrait nous conduire à ce que le plus ardent défenseur de la Communauté française – DéFI, membre de la majorité bruxelloise – soit exclu des discussions par les négociateurs wallons. Ce serait une situation très paradoxale. La FWB n’est pas une entité respectée, elle ne peut pas lever d’impôt et elle n’a pas d’élus directs. Or, c’est là que se décide la politique de l’enseignement, c’est-à-dire la base pour l’avenir du pays, des citoyens. Et de la politique aussi.

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