Des chars Leopard 2 allemands et des Abrams américains pour Kiev malgré le risque d’escalade

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Le chancelier allemand Olaf Scholz a donné son accord à l’envoi de chars lourds Leopard 2 à l’Ukraine et le président américain Joe Biden à celui de chars Abrams, provoquant l’ire de Moscou, tout en affirmant vouloir éviter “une escalade” qui conduirait à une guerre entre la Russie et l’Otan.

“Nous faisons ce qui est nécessaire et possible pour soutenir l’Ukraine, mais nous empêchons en même temps une escalade de la guerre, vers une guerre entre la Russie et l’Otan”, a déclaré M. Scholz devant le Bundestag, la chambre basse du parlement.

Le gouvernement allemand avait décidé plus tôt en conseil des ministres à la fois d’envoyer 14 Leopard 2 de type 2A6 issus des stocks de son armée, la Bundeswehr, et d’autoriser ses alliés occidentaux disposant de ces blindés de fabrication allemande à faire de même.

“C’est une décision extrêmement dangereuse qui va amener le conflit vers un nouveau niveau de confrontation”, a prévenu l’ambassadeur de Russie à Berlin, Sergueï Netchaev. “Cela nous persuade une fois encore que l’Allemagne, à l’instar de ses alliés les plus proches, ne veut pas d’une solution diplomatique à la crise ukrainienne et qu’elle veut une escalade permanente”, a-t-il ajouté.

Le président américain Joe Biden a annoncé lui aussi, dans la soirée, la livraison de 31 chars Abrams à ce pays.

“Un premier pas”

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est déclaré “sincèrement reconnaissant” pour le feu vert donné par Berlin, après avoir discuté au téléphone avec M. Scholz.

Pour Andriï Iermak, le chef de l’administration présidentielle ukrainienne, il ne s’agit toutefois que d’un “premier pas”. “Nous avons besoin de beaucoup de Leopard”, a-t-il souligné.

La décision allemande est le résultat “de nouveau de consultations intensives avec nos alliés et nos partenaires internationaux”, a expliqué M. Scholz. “Cela aurait été une erreur, une lourde, une grave erreur d’avoir avancé seul sur cette question“, a insisté le chancelier social-démocrate qui a été ces dernières semaines pressé de toutes parts, y compris au sein de sa coalition avec les écologistes et les libéraux, de donner sans attendre son aval.

M. Scholz est resté fidèle à son mantra consistant à éviter tout cavalier seul en matière de livraison d’armes à l’Ukraine.

La crainte d’une escalade

La crainte d’une escalade militaire avec Moscou et ses réticences à faire assumer à l’Allemagne un leadership dans le camp occidental expliquent en grande partie ses hésitations, selon des analystes.

Concrètement, l’objectif de Berlin “consiste à rassembler aussi vite que possible deux compagnies (en fait des escadrons) de Leopard 2” et à prendre en charge la formation des soldats ukrainiens à l’utilisation de ces blindés “rapidement” sur le territoire allemand.

Le ministre de la Défense, Boris Pistorius, a affirmé que les premiers chars en provenance d’Allemagne pourraient être en Ukraine dans les trois mois. Selon plusieurs médias, la coalition de pays prêts à fournir des Leopard 2 comprend aussi le Danemark, les Pays-Bas, en plus de la Pologne et de la Finlande qui l’avaient déjà annoncé publiquement, cette dernière ayant redit mercredi qu’elle s'”impliquerait”, sans toutefois préciser si elle enverrait à Kiev ses propres chars ou formerait des militaires ukrainiens. L’Espagne a confirmé mercredi être “disposée” elle aussi à faire partie de ce groupe.

Mais seule la Pologne – l’un des 14 pays européens dotés de tels blindés – a jusqu’ici déposé une demande officielle auprès de Berlin, a souligné le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Hebestreit.

Les Leopard vont “renforcer la capacité défensive” de l’Ukraine, s’est réjoui Londres après la décision. Paris et Varsovie ont également salué le geste de l’Allemagne.

“A un moment critique de la guerre livrée par la Russie, ils peuvent aider l’Ukraine à se défendre, à vaincre et à l’emporter en tant que nation indépendante“, a jugé pour sa part le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg. D’autant que les troupes russes ont revendiqué mercredi des avancées à Bakhmout, à l’épicentre du conflit dans l’est de l’Ukraine et où des combats se déroulent dans certains quartiers, selon un responsable de l’occupation russe.

Mercredi, l’armée ukrainienne a aussi admis avoir cédé Soledar, une cité voisine de Bakhmout, deux semaines après l’annonce de sa prise par Moscou.

Selon les observateurs, ces chars, dont Kiev réclame des centaines d’exemplaires, sont susceptibles de donner un avantage aux troupes ukrainiennes face au rouleau compresseur russe.

31 Abrams amricains

Outre les Leopard, l’Ukraine devrait recevoir d’autres chars d’assaut.

Les Etats-Unis vont livrer 31 chars Abrams à l’Ukraine, a annoncé mercredi un haut responsable américain. La livraison de chars à l’Ukraine n’est pas une “menace offensive contre la Russie”, a affirmé mercredi le président américain Joe Biden après l’annonce du feu vert de Washington et de Berlin à l’envoi de ces véhicules à Kiev pour combattre l’invasion de Moscou.

Ces livraisons et l’aide militaire s’inscrivent dans le cadre “de l’engagement de pays à travers le monde, menés par les Etats-Unis, à aider l’Ukraine à défendre sa souveraineté et son intégrité territoriale (…). Il ne s’agit pas d’une menace offensive contre la Russie”, a-t-il déclaré lors d’une brève allocution

Le Royaume-Uni a déjà annoncé la livraison à l’Ukraine d’un escadron de 14 chars lourds Challenger 2. Et selon le ‘Wall Street Journal’, qui cite des responsables américains, les États-Unis envisagent finalement de fournir à Kiev des chars d’assaut Abrams M1, ce qu’ils refusaient jusqu’à présent de faire, évoquant des problèmes de maintenance et de formation.

“Si les États-Unis décident de livrer des chars, il sera impossible de justifier un tel acte par des arguments liés aux ‘armes défensives’. Il s’agirait d’une nouvelle provocation flagrante à l’encontre de la Fédération de Russie”, avait averti sur Facebook l’ambassadeur russe à Washington, Anatoly Antonov.

Devant le Bundestag, le chancelier allemand a bien précisé qu’il n’était pas question pour l’Otan d’intervenir dans les airs et au sol en Ukraine.

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