Bruno Colmant

De nombreux étudiants ne voient plus leur avenir en Belgique

Bruno Colmant Economiste. Professeur à la Vlerick School, l’ULB et l'UCL.

Depuis trente ans, je consacre un temps important à l’enseignement de l’économie dans plusieurs institutions des trois régions du pays, à des étudiants de fin de cycle. Or, quelque chose d’accablant a profondément changé ces dernières années : nombre d’entre eux ne voient plus leur avenir en Belgique.

Certes, on argumentera qu’il y a loin de la coupe aux lèvres et que l’enthousiasme des programmes Erasmus suscite la légitime jubilation de croquer la vie et de courir le monde. L’envie du large soufflette toujours les joues des audacieux et puis, les étudiants apprennent la gestion et l’économie, des disciplines naturellement internationales qui suscitent le déplacement géographique. On me rappellera aussi, à juste titre, que seuls certains auront la possibilité de partir et que la majorité des étudiants, moins qualifiés, n’auront pas le choix ou même l’envie de la mobilité géographique.

Et pourtant, je crois que quelque chose de plus aigu se disloque lorsque j’écoute les parents de ces étudiants. Je n’en connais que peu qui ne recommandent pas à leurs enfants de choisir des métiers qui leur octroieront la mobilité géographique professionnelle. Quel navrant constat alors que ces jeunes sont l’avenir du pays et que le système éducatif est le legs des générations précédentes.

Tous, nous sentons que quelque chose nous échappe. Cette crise n’est pas comme les autres. Le Royaume apparaît inhibé et ses forces vitales l’abandonnent. La Belgique devient inquiète. Elle cultive un sentiment d’impuissance.

En quelques mois, nos préoccupations sont devenues locales, comme si le pays avait abandonné l’idée d’être l’acteur d’un destin international. Est-ce de la mélancolie ? Un petit creux ? L’épuisement du modèle d’après-guerre ? Ou, pire, est-ce une dépression sociale ou un burn-out économique ?

Aujourd’hui, ces chocs sont presque banalisés. Pourtant, ils masquent une réalité plus profonde : l’absence de projet mobilisateur pour le pays et surtout de plan de prospérité pour les futures générations. C’est le manque de vision de la manière dont la Belgique et ses constituants régionaux se développeront et s’épanouiront en Europe et dans le monde.

Dans les discours politiques et les médias, on parle des pensions, des déficits structurels, des plans de licenciement et des délocalisations mais peu de l’avenir des jeunes. Pas assez de mots sur leurs débouchés professionnels et l’optimisme qui devrait leur être offert. Les jeunes apprennent que la crise serait une réplique de celle des années trente, mais rien n’est dit sur leur avenir. A l’instar de ce qui se passe dans tous les autres pays européens, ces jeunes ne comprennent pas que les problèmes de la génération à laquelle ils succèdent aient été arbitrés à leur détriment. Ils entendent qu’ils seront débiteurs des dettes de la génération précédente.

Alors, que leur expliquer ? Quelque chose doit s’être fissuré dans l’économie belge. En une dizaine d’années, nos communautés se sont profondément transformées au détriment d’une solidarité sociale. Et puis, il y a un autre facteur, dont je soupçonne l’envergure considérable. C’est la perte des valeurs morales supérieures qui stimulent la pensée collective. A nous de transmettre aux jeunes l’envie du futur et de l’entreprenariat, par nos exemples et expériences personnels, car l’avenir de la Belgique, c’est eux. Cela devrait être le principal message politique.

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