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De l’économie du PIB à l’économie du bien-être

Cette économie du bien-être a un prix. Nous commençons seulement à le découvrir aujourd’hui.

Il y a deux manières de voir la hausse des prix qui nous tombe dessus. Soit on considère que le phénomène est dû à un effet de rareté passager frappant certaines matières premières (gaz, blé, bois, etc.) et causé par les perturbations de chaînes d’approvisionnement. Soit on est convaincu que cette hausse constitue les premiers échos de la mutation profonde de notre système. Ce serait les premières marques du passage d’une “économie du PIB” vers une “économie du bien-être”, pour reprendre l’expression de l’économiste Patrick Artus.

L’économie du PIB, dit-il, est celle où l’on maximise la production et la consommation. C’est le productivisme dans toute sa splendeur, qui cherche continuellement à écouler un maximum de produits en pesant sur les prix de revient, en créant des situations de monopole et en ignorant superbement les nuisances externes. L’économie du bien-être, en revanche, tient compte des divers mécanismes qui affectent le bien-être collectif: climat, conditions de travail, qualité des emplois, santé, etc. C’est une économie dont les prix intègrent tous ces éléments, puisque les crises du climat et du covid nous ont montré que nous ne pouvions plus ignorer ces externalités.

Cette économie du bien-être a un prix. Nous commençons seulement à le découvrir aujourd’hui.

Cette économie davantage soucieuse de l’extérieur a cependant bien du mal à se mettre en place. Ainsi, les exploitations minières qui retirent les métaux dont nous avons besoin pour nos iPhone et nos Tesla se trouvent de plus en plus localisées “loin des yeux, loin du coeur”, en Chine, en Afrique, en Amérique latine. Ainsi, personne chez nous ne veut d’éoliennes bouchant l’horizon derrière son jardin. Ainsi, personne n’accepte d’avoir à proximité les infrastructures nécessaires pour acheminer toute l’électricité dont nous aurons besoin (grosso modo 30 à 50% de plus qu’aujourd’hui) si l’on veut décarboner entièrement l’économie. La saga de la boucle du Hainaut est emblématique de ce syndrome Nimby (“not in my back yard”, pas dans mon jardin).

Cette difficulté dans la mise en oeuvre s’explique, car personne n’a envie de se faire du mal. Or, on sait que ce passage vers cette nouvelle économie ne pourra pas s’effectuer pour nous sans hausse des prix ni douleur.

Pas sans hausse des prix, car une énergie décarbonée sera nécessairement plus chère, ne fût-ce que parce qu’il conviendra de bâtir une toute nouvelle infrastructure et qu’entre-temps, le véritable prix du carbone fera son apparition et viendra grever le prix des produits que nous consommons. Pas sans hausse des prix non plus, car si nous avons de bonnes raisons de vouloir revaloriser certains services, dans les soins de santé, la restauration, la logistique, etc., nous allons évidemment devoir les payer plus cher.

Pas sans douleur, car nous ne pourrons plus nous réfugier derrière cet expédient facile qui consiste à faire produire par d’autres continents nos biens de consommation les moins propres. Relocaliser des industries, cela supposera avoir probablement une usine près de chez soi. Pas sans douleur non plus, car si nous demandons aux entreprises de revoir leur processus de fond en comble, il faudra que les travailleurs redoublent d’efforts afin d’acquérir de nouvelles compétences. Sans cela, il y a risque de “gilet-jaunisation” générale de nos sociétés. Parce que la perte de pouvoir d’achat découlant de ces diverses hausses de prix frapperait les ménages les plus fragiles et les personnes les moins qualifiées.

Cette économie du bien-être a un prix. Nous commençons seulement à le découvrir aujourd’hui.

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