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Dangers, complot, business… la psychose nucléaire

Le nucléaire fait (tristement) l’actualité. Alors que cette semaine l’Europe entière commémore les 30 ans de l’explosion du réacteur n°4 de Tchernobyl en Ukraine, chez nous, un rapport d’audit dénonce le manque d’indépendance de l’Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN)…

Et cela alors même que l’Allemagne et le Luxembourg demandent un arrêt temporaire des réacteurs de Doel 3 et Tihange 2. La raison ? Si les rapports d’experts n’ont pas mis en évidence un risque lié aux microfissures détectées dans les cuves de ces deux réacteurs, ils ne garantissent pas non plus que ces microfissures n’en présentent aucun. Et sans certitude sur ce point, nos voisins préfèrent que l’on appuie sur “OFF”.

Etonnant tout de même: les analyses réalisées par des experts internationaux avaient conclu que les micro bulles d’hydrogène présentes dans les cuves – et datant vraisemblablement de l’époque de leur fabrication – n’avaient pas d’impact sur la sûreté des centrales. Mais peut-on raisonnablement garantir qu’aucun risque n’existe, même dans une cuve ne présentant pas ces caractéristiques ? D’accord, un réacteur nucléaire n’est pas un produit comme un autre mais, quand on y réfléchit, aucun fabricant de quoi que ce soit ne peut garantir une absence totale de risque. Il peut garantir que son produit répond à des critères plus ou moins stricts de sécurité et s’engager à vous indemniser si le risque se matérialise. L’idée, transposée au nucléaire, fait froid dans le dos, mais il faut accepter de vivre avec… ou décider une fois pour toutes de se passer de la technologie nucléaire !

Il faut accepter de vivre avec le risque du nucléaire … ou se passer une fois pour toutes de cette technologie !

En rendant public un audit sur les dysfonctionnements à l’AFCN, le groupe Ecolo/Groen rajoute une couche à un malaise résultant finalement surtout de l’absence de vision à long terme du marché de l’énergie. Passons les problèmes de lutte de pouvoir, de manque de collégialité et de sous-considération du département de communication, qui sont des problèmes somme toute assez banals pour une organisation de cette importance. Ce qui inquiète davantage, c’est le discrédit jeté sur l’indépendance de l’agence vis-à-vis des mondes politique et économique (Electrabel en tête). Mais à nouveau, attention aux amalgames : cette indépendance peut difficilement être remise en cause dans le cadre des tests effectués sur Doel 3 et Tihange 2, où sont intervenus des experts des quatre coins du monde.

Peut-on alors imaginer un complot qu’auraient fomenté ensemble le gouvernement fédéral, l’AFCN et Electrabel pour prolonger Doel 1 et 2 ? Analysons les intérêts des uns et des autres. Pour le gouvernement, l’accord permettait effectivement de préserver l’emploi, de s’assurer une rente et de garantir l’approvisionnement. Pour Electrabel, il s’agissait de continuer à exploiter des actifs en espérant qu’ils soient rentables (le gouvernement n’offrant évidemment aucune garantie sur ce point). L’AFCN n’a quant à elle aucun intérêt particulier à faire valoir : s’il devait être démontré qu’elle a cédé à des pressions pour valider la prolongation d’un point de vue technique, l’accord deviendrait automatiquement caduc et des sanctions devraient être prises.

En définitive, un an après la signature de l’accord, il n’y a qu’un grand perdant dans l’histoire : les producteurs. Les prix de l’électricité sont en effet tombés si bas en Europe que l’exploitation de centrales nucléaires se fait à perte. La preuve nous vient de France, où EDF vient d’être sauvé de la faillite par l’Etat français. Dans la foulée, le président François Hollande a annoncé un désinvestissement progressif dans le nucléaire (avec indemnités à la clé pour EDF) et la mise en place d’un prix plancher pour le carbone, devenu lui aussi excessivement bon marché. Une idée judicieuse à première vue, sauf que les marchés de l’électricité sont interconnectés et qu’il faudrait donc que les pays voisins adoptent la même stratégie pour qu’elle soit efficiente. Pourquoi ne le faisons-nous pas ? Voilà une bonne question à poser à Madame la ministre Marie-Christine Marghem. Les autres relèvent davantage de la psychose.

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