Crise à Taïwan: “Une nouvelle étape dans la déglobalisation du monde”
Koen De Leus, chief economist de BNP Paribas, souligne combien les tensions actuelles constituent une poursuite de la dégradation des relations avec la Chine. Une mauvaise nouvelle pour la transition énergétique.
Les manoeuvres militaires chinoises qui encerclent Taïwan, en riposte à la visite de Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants américaine, préoccupent le monde entier. Après le choc énergétique généré par la guerre en Ukraine, ces tensions en Asie constituent une autre mauvaise nouvelle, notamment pour la transition énergétique. Koen De Leus, chief economist à BNP Paribas, explique pourquoi.
Faut-il s’inquiéter d’un second front économique avec cette crise autour de Taïwan, après la guerre en Ukraine?
A mon sens, cette crise-ci devrait être temporaire et ne pas prendre la dimension de la guerre en Ukraine. Elle a été provoquée par la visite de Nancy Pelosi à Taïwan: les Chinois ont réagi parce que comme c’est le cas en Russie avec l’OTAN, chaque rapprochement des Occidentaux avec des entités proches de son territoire est perçu comme une menace. Des manoeuvres militaires sont en cours, des limitations ont été décidées au sujet de l’importation de certains aliments, les Etats-Unis vont prendre des mesures en retour, mais je ne vois pas cela aller plus loin. Ce n’est dans l’intérêt de personne pour l’instant. Je ne pense pas qu’il y aura des conséquences économiques immédiates.
La guerre en Ukraine a provoqué une crise énergétique dans nos pays, la question de Taïwan est aussi très sensible pour nos industries avec la question des puces et des semi-conducteurs. A plus long terme, c’est une menace?
En effet. En réalité, cette crise va encore accélérer la déglobalisation du monde et l’éloignement de plus en plus fort entre la Chine et les Etats-Unis. C’est une évolution qui est à l’oeuvre déjà depuis un certain temps, les Etats-Unis viennent d’allouer 700 milliards pour devenir plus indépendants dans le domaine des puces, les Européens ont également pris des mesures en ce sens. Tout le monde réalise combien l’enjeu est important pour la transition énergétique.
Nous allons vers un monde de plus en plus polarisé, avec les Occidentaux d’un côté, mais aussi la Chine et la Russie qui disposent de la plupart des mineraux critiques nécessaires. Cette déglobalisation n’est pas une bonne nouvelle, mais elle semble inéluctable tant les écarts idéologiques sont de plus en plus prononcés entre ces pays. C’est une raison de plus pour s’y préparer. Cette nouvelle crise témoigne de l’urgence de le faire.
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