Coronavirus: une disparition progressive
Le récit du “coronavirus apprivoisé” dissimule en réalité des défaillances du système de santé publique.
Les pandémies ne meurent pas, elles s’estompent. C’est ce qui devrait se produire avec le covid en 2022. Certes, il y aura des flambées locales et saisonnières, surtout dans les pays chroniquement sous-vaccinés. Les épidémiologistes devront également être attentifs à de nouveaux variants susceptibles de mettre à mal l’immunité gagnée grâce aux vaccins. Malgré cela, dans les années à venir, à mesure que le covid embrasse son destin et devient une maladie endémique, au même titre que la grippe ou le rhume, la vie dans une grande partie du monde devrait revenir à la normalité. Ou du moins, une normalité post-pandémique.
Cette perspective augure à la fois un succès éclatant et un échec cuisant. Le succès réside dans le fait qu’un très grand nombre de personnes ont été vaccinées et qu’à chaque étape de l’infection, des symptômes les plus légers aux soins les plus intensifs, de nouveaux médicaments permettent désormais de réduire considérablement le risque de décès. Si l’on peut penser que cela va de soi, la création rapide et l’homologation de tant de vaccins et de traitements pour une nouvelle maladie sont une véritable prouesse scientifique.
En effet, le vaccin contre la polio a nécessité 20 ans de développement, entre les premiers essais et sa première homologation aux Etats-Unis. Fin 2021, soit à peine deux ans après l’identification initiale du SARS-CoV-2, le monde produisait près de 1,5 milliard de doses de vaccin contre le covid par mois. Airfinity, une société d’analyse des sciences de la vie, prévoit que, d’ici fin juin 2022, un total de 25 milliards de doses pourrait avoir été produit. Lors d’un sommet au mois de septembre, le président Joe Biden demandait à ce que 70% du monde soit totalement vacciné en l’espace d’un an. L’approvisionnement ne devrait pas être un frein.
Les vaccins n’offrent toutefois pas une protection complète, surtout chez les plus âgés. Pourtant, là aussi, la science médicale s’est montrée à la hauteur. Par exemple, les premiers symptômes peuvent être traités avec du molnupiravir, un comprimé antiviral administré deux fois par jour qui, lors des essais, a permis de réduire de moitié les décès et les hospitalisations. Les personnes les plus gravement touchées peuvent recevoir du dexaméthasone, un corticostéroïde bon marché, qui réduit le risque de décès de 20 à 30%. Entre les deux, on peut également administrer des médicaments comme le remdesivir et un cocktail d’anticorps fabriqués par Regeneron.
Combiner vaccins et traitements
Il faut envisager la combinaison des vaccins et des traitements comme des remparts, où chaque élément permet de bloquer une partie des attaques virales et les empêche de devenir fatales. Chaque nouveau rempart réduit la mortalité du covid.
Cependant, ce succès est également accompagné d’un échec. Une raison qui explique que la réduction des dommages dus au covid à l’avenir réside dans le fait que l’épidémie a déjà provoqué d’immenses dégâts par le passé. En effet, un très grand nombre de personnes est protégé contre les variants actuels du covid uniquement parce qu’elles ont déjà été infectées. En 2022, les vaccins et les médicaments ne pourront donc pas protéger longtemps les autres qui sont nombreux, notamment dans les pays en développement.
Cette immunité a été acquise au prix fort. The Economist a suivi la surmortalité lors de la pandémie, soit la mortalité supplémentaire à celle attendue au cours d’une année normale. Notre estimation centrale du 22 octobre s’élevait à un total mondial de 16,5 millions de décès (avec une marge allant de 10,2 millions à 19,2 millions), ce qui représente 3,3 fois plus que le décompte officiel. Avec le recul et sur la base d’hypothèses sur la part d’infections mortelles, une estimation très approximative laisse penser que ces décès sont le résultat de 1,5 milliard à 3,6 milliards d’infections, soit six à quinze fois le nombre enregistré.
Le covid est en passe de devenir une maladie comme une autre.
La combinaison d’infections et de vaccinations explique pourquoi, en Grande-Bretagne par exemple à l’automne, 93% des adultes avaient des anticorps contre le covid. Certes, les gens peuvent être réinfectés, comme ce fut le cas en Grande-Bretagne, mais à chaque exposition au virus, le système immunitaire est de mieux en mieux armé pour le repousser. Grâce aux nouveaux traitements et au fait que davantage de jeunes sont infectés, le taux de mortalité en Grande-Bretagne ne se situe aujourd’hui qu’à un dixième de celui enregistré début 2021. D’autres pays suivront également cette voie de l’endémicité.
Malheureusement, la situation peut encore basculer en cas de nouveau variant dangereux. En effet, le virus mute en permanence et plus il est en circulation, plus il y a de chance qu’une nouvelle souche infectieuse apparaisse. Cependant, même si le variant omicron frappe à grande échelle, il pourrait ne pas être aussi meurtrier que le variant delta. Par ailleurs, les traitements existants devraient rester efficaces et les vaccins peuvent être rapidement adaptés pour tenir compte des mutations du virus.
Un danger mortel dans les pays pauvres
De plus en plus, les gens vont donc mourir du covid uniquement parce qu’ils sont vieux ou infirmes, ou bien parce qu’ils n’ont pas été vaccinés ou qu’ils ne peuvent pas se permettre d’acheter des médicaments. Certains resteront vulnérables, car ils refuseront d’être vaccinés lorsqu’on le leur proposera: un échec de l’éducation à la santé. Les doses de vaccin sont également jalousement gardées par les pays riches et il n’est pas évident de faire parvenir des seringues dans les endroits pauvres et reculés. Des vies vont être ruinées ou perdues, simplement parce qu’une injection sûre coûtant à peine quelques dollars n’a pas pu être effectuée.
Le covid est loin d’être derrière nous. En 2023, il ne s’agira plus d’une maladie dangereuse pour la plupart des gens dans le monde développé. Il représentera toutefois toujours un danger mortel pour des milliards d’habitants dans les pays pauvres. Il en va de même, malheureusement, pour de nombreuses autres maladies. Le covid est en passe de devenir une maladie comme une autre.
Edward Carr, Rédacteur en Chef, “The Economist”
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