Coronavirus/La question du 24 mars: La zone euro tiendra-t-elle le choc ?

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La construction imparfaite de la zone euro – qui n’a pas harmonisé son marché du travail, sa fiscalité, son système bancaire (il manque encore un fonds de garantie des dépôts au niveau européen) et qui n’a pas de vrai système de transferts pour aider un pays en difficulté – la rend fragile aux grands chocs extérieurs.

On l’a vu lorsque la crise de 2008 s’est muée en une nouvelle crise de la zone euro en 2010-2011. Crise que l’on a appelée “la crise grecque”, mais qui a en fait touché beaucoup de pays. Même le nôtre qui a vu pendant quelques heures son taux d’emprunt à dix ans atteindre les 6%…

Doit-on craindre une telle rechute aujourd’hui ? La réponse est oui. Mais comme les dirigeants européens ont encore en mémoire ce qui s’est passé, on peut penser qu’ils seront plus réactifs et intelligents cette fois-ci.

Reprenons. Pourquoi craindre une rechute ? Parce que l’on n’a que très partiellement amélioré la zone euro depuis 2010. Certes, au niveau bancaire, on a renforcé le système en demandant davantage de capitaux aux banques et en instaurant un mécanisme de résolution, du moins sur papier, qui devrait éviter à l’avenir qu’une crise bancaire ne se mue en crise des finances publiques. Il existe donc en théorie un mécanisme pour éviter qu’un pays de la zone euro devienne insolvable. Mais en pratique, les conditions pour demander l’aide européenne sont telles que les Etats-membres pays hésiteront à deux fois à demander l’activation de ce mécanisme de secours, car cela reviendrait à mettre ses finances publiques sous tutelles.

Comme en 2010

La même machine infernale qu’en 2008 pourrait donc se reproduire dans les pays les plus faibles : une récession prolongée qui mettrait à mal les finances publiques de, par exemple, l’Italie, qui se verrait dans l’incapacité de rembourser sa dette. Cette crainte explique que l’écart entre les taux allemands à dix ans et les taux italiens ait doublé depuis la crise sanitaire (cet écart était de 1% fin février, il est passé à 2% aujourd’hui). Certes, l’annonce des mesures de rachat de dettes publiques par la BCE est un soulagement, car cela signifie que les pays les plus faibles trouveront toujours un acheteur en dernier ressort pour leur dette. Mais on leur demandera toujours de rembourser leurs emprunts à un moment donné.

On ne peut donc exclure une nouvelle crise de la zone euro en 2020 ou 2021. Comment l’éviter ?

L’économiste de la banque française Natixis, Patrick Artus, estime qu’il y a deux solutions aujourd’hui.

La première est de créer des eurobonds : des obligations garanties mutuellement par les pays de la zone euro. Ces obligations qui viendraient financer les déficits supplémentaires des Etats. C’est la proposition de la Commission qui a lancé l’idée d’obligations européennes “coronabonds”. Mais on sait que l’Allemagne, les Pays-Bas et un certain nombre de “faucons” résistent à ce projet bien trop fédéral pour eux…

L’autre solution est que la BCE joue les pompiers, comme en 2012, en rachetant et rachetant encore des obligations d’Etat pour éviter un envol des taux d’intérêts des pays les plus faibles. Mais cela ne résoudra pas la question qui finira par se poser un jour: comment feront les Etats pour rembourser leurs dettes ?

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