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Conjoncture internationale: quelques (sombres) réflexions de rentrée

Quand je travaillais à l’IRES (UCL), mon chef me disait toujours que réaliser un exercice de conjoncture tous les trois mois et non pas chaque semaine avait un avantage : en s’écartant des indicateurs économiques entre deux exercices, cela permettait de prendre un peu de recul sur la situation économique, plutôt que de se centrer sans cesse sur le dernier indicateur publié ou le dernier événement en date.

Les marchés financiers ne suivent malheureusement pas ce principe, si bien qu’à ce jour, mon suivi conjoncturel doit être permanent, sauf durant une (trop courte) période de congés. A mon retour, un premier survol rapide de l’évolution récente des variables économiques et financières m’appelle quatre réflexions.

Primo, le fait que les indicateurs de confiance ne se soient pas redressés durant l’été dans la zone euro indique que le rythme de croissance mitigé que l’on a connu dans la première moitié de l’année n’était pas un trou d’air dans la reprise, mais plutôt une atténuation durable de celle-ci. Même si on n’est pas en train de parler de récession, il faut s’attendre à maintenir un rythme de croissance inférieur aux standards du passé.

Secundo, le prix du pétrole atteignant presque 80 dollars/baril est en partie responsable de cette situation et n’indique rien de bon pour le futur. On sait en effet que le coût de l’énergie est un élément clé de la dynamique de croissance de la consommation des ménages. Le maintien d’un prix élevé n’est donc pas de nature à changer la donne à court terme. Alors que l’on se demande comment la croissance économique en zone euro pourra trouver un second souffle, ce n’est manifestement pas du côté des prix des matières premières qu’il faut chercher.

On se demande comment la croissance économique en zone euro pourra trouver un second souffle. Ce n’est manifestement pas du côté des prix des matières premières qu’il faut chercher.

Tertio, le niveau des taux d’intérêt reste interpellant. Malgré une croissance économique dopée par l’administration Trump, le rendement obligataire américain à 10 ans reste bloqué sous la barre des 3 %. Il a même légèrement diminué (les déclarations de Donald Trump sur la politique monétaire n’y sont probablement pas étrangères) à 2,85 %, si bien que l’écart entre les taux courts et les taux longs s’est encore réduit. Ceci fait généralement office d’avis de tempête économique. Dans le cas des Etats-Unis, cette situation est d’autant plus étonnante que les indicateurs économiques restent très bons. Il y a clairement un décalage entre la situation économique actuelle, qui est indubitablement bonne, et les perspectives qui, elles, sont beaucoup plus incertaines. On soulignera aussi l’évolution des taux longs en zone euro. Alors que le taux allemand reste à un niveau exceptionnellement bas (quelque 30 points de base), le taux italien n’a cessé de progresser, sur fond de querelles budgétaires entre le gouvernement italien et la Commission européenne. On se rappellera quand même que les écarts de taux entre les différents pays de la zone euro peuvent être vus comme un indicateur de risque d’implosion de la zone euro. En la matière, on était sur la bonne voie depuis cinq ans, mais la nouvelle montée du populisme change la donne.

Enfin, après avoir pris un peu de recul sur l’actualité, on ne peut qu’être surpris par la violence des propos politiques. Entre un ministre de l’Intérieur italien qui tweete une référence à Mussolini, les invectives entre les présidents turc et américain où se mêlent théorie du complot et non-sens économique (ou plus généralement le fait que Donald Trump interprète toute dépréciation d’une devise face au dollar comme une manipulation délibérée de la monnaie), il y a vraiment de quoi s’interroger sur les conséquences économiques de ces déclarations. Deux choses sont choquantes : la violence des propos elle-même, et le fait qu’un tel langage devienne monnaie courante. Beaucoup ne s’offusquent plus de tels propos ou les prennent à la légère, un peu comme des effets de style. J’imagine que dans les années 1930, le sentiment par rapport à certains propos était le même. Jusqu’au jour où…

En conclusion, vous aurez compris que cette première (re)prise de contact avec l’actualité économique et financière ne donne pas vraiment le sourire. Mais elle est peut-être erronée ou biaisée par la météo très mitigée durant mes vacances. Un examen plus complet des données sera probablement plus rassurant. Allez ! Au travail !

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