Comment le Sahel pourrait basculer dans le chaos

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Touchée par les changements climatiques, le djihadisme et une population en constante augmentation, cette région pourrait bien basculer dans le chaos.

Lorsque les Grecs anciens virent le désert du Sahara, ils se dirent que le soleil devait être tombé du ciel et avoir tout brûlé pour ne laisser que poussière. Au cours des 2.000 années qui se sont écoulées depuis, l’Europe ne s’est guère plus intéressée aux terres qui se trouvent de l’autre côté de ce gigantesque désert. Mais peu à peu, la muraille du Sahara s’effrite. Au sud de celle-ci, s’étire une bande de pays arides et peu peuplés appelée Sahel. Et en 2019, le Sahel, un grand absent de la géopolitique mondiale, s’invitera dans le calendrier de l’Occident.

Le Niger, pays clé

Redoutant l’immigration africaine, l’Europe injecte de l’argent dans le développement et la sécurité des frontières. Ses efforts sont particulièrement notables dans le pays de transit clé de la région, le Niger, où le nombre de migrants a remarquablement chuté : il est passé de 330.000 en 2016 à environ 10.000 en 2018. Mais le Sahel est plus qu’une simple région de transit. Et il pourrait bien devenir une région extraordinairement déstabilisatrice.

D’abord parce que sa population explose. Au Niger, une mère aura en moyenne sept enfants. La population des cinq pays connus sous le nom de G5 Sahel – la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad – est aujourd’hui de 78 millions de personnes. D’ici à 2050 (si l’on en croit les projections de l’Onu), elle pourrait dépasser les 200 millions. Et ses perspectives d’avenir sont sombres. Les gouvernements du Sahel, fragiles, sont peu présents à l’extérieur des villes principales. La corruption est endémique. La production alimentaire ne suit pas la croissance démographique.

Comment le Sahel pourrait basculer dans le chaos

A cela s’ajoute le changement climatique, qui frappe durement la région. Le désert progresse lentement dans de nombreuses zones. Le Programme alimentaire mondial estime que, dans la région du G5 Sahel, plus de 5 millions de personnes peinent actuellement à trouver de quoi se nourrir. La raréfaction des ressources provoque des affrontements sanglants entre éleveurs et agriculteurs.

De plus, le djihadisme gagne du terrain. Des groupes liés à Al-Qaida, à Boko Haram et à l’Etat islamique sont bien implantés au Mali, au Niger et au Tchad. L’insécurité se propage au Burkina Faso. Des troupes des Nations unies, des Etats-Unis, de France et d’Allemagne sont postées dans tout le Sahel, mais leur présence reste éparse dans cette région qui fait trois fois la taille de l’Europe occidentale. La mission la plus mortelle de l’Onu ne s’est déroulée ni au Congo ni au Moyen-Orient, mais au Mali, où 170 Casques bleus ont été tués. Selon un officier américain de haut rang qui travaille dans le Sahel, une violente tempête se prépare juste au sud de l’Europe. Et si la région tombe dans le chaos, l’Europe doit s’attendre à voir affluer des millions de réfugiés.

Une présence européenne renforcée ?

En 2019, les yeux se tourneront vers le Burkina Faso, où l’opération Flintlock 2018, un exercice militaire de lutte contre le terrorisme dirigé par les Américains, impliquera une bonne douzaine de pays. Les Etats-Unis ont ouvert une énorme base de drones dans le nord du Niger. Mais l’administration Trump parle d’une réduction, allant jusqu’à 50 %, des opérations des forces spéciales en Afrique.

L’Europe pourrait au contraire renforcer sa présence dans la région. Pour l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, qui s’est beaucoup exprimé sur le sujet, il est nécessaire de revoir radicalement notre copie. Nous allons atteindre le point de non-retour dans peut-être trois ou cinq ans seulement. Ce qui est sûr, c’est que l’avenir de l’Europe est inextricablement lié à celui des sables du Sahel.

Par Will Brown.

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