Comment le Brésil est passé du boom à la déconfiture, en moins de 5 ans

© Reuters

Le Brésil est passé en moins de cinq ans de la position de géant émergent, alléchant pour les investisseurs du monde entier, à celle de pays en pleine déconfiture accumulant les mauvaises nouvelles à moins d’un an des Jeux olympiques.

La dernière date de jeudi soir: L’agence de notation Standard & Poor’s (SP) a abaissé la note de la compagnie pétrolière brésilienne Petrobras de deux crans, de BBB- à BB (catégorie spéculative), assortie d’une perspective négative. Elle a abaissé aussi d’un cran celle de 30 autres entreprises.

La veille au soir, SP avait relégué le Brésil parmi les emprunteurs “spéculatifs”.

Pour les analystes, cela va aggraver la récession économique, accélérer le rythme de l’inflation et du chômage et augmenter le coût de l’endettement.

Touché par la crise américaine des “subprime” de 2008 et 2009, le monde développé avait placé ses espoirs sur le Brésil qui semblait sortir de sa léthargie : son économie avait progressé de 7,5% en 2010 grâce à des programmes sociaux du gouvernement de gauche permettant de sortir 40 millions de personnes de la misère.

Le Brésil se portait alors candidat avec succès pour accueillir le Mondial de football 2014 et proposait Rio comme ville hôte des Jeux olympiques 2016.

Mais les espoirs ont vite flétri. Avec un modèle de croissance essentiellement basé sur la consommation interne, le Brésil n’a progressé à ce rythme accéléré qu’en 2010, un boom renforcé par la hausse des prix des matières premières. Allaient suivre quatre années de maigre croissance et au deuxième trimestre 2015, le Brésil est entré dans une récession qui, selon S&P, entraînera une contraction de 2,5% du PIB cette année qui se poursuivra en 2016.

Aujourd’hui, les prix des matières premières ont dégringolé en raison de la chute de la demande chinoise, les comptes publics sont en déséquilibre et le Brésil est secoué par un scandale de corruption au sein de sa compagnie phare, le géant pétrolier Petrobras, lui coûtant des milliards de dollars.

Il a conduit en prison des grands entrepreneurs de la construction civile et plusieurs hommes politique de la coalition de centre-gauche au pouvoir, dont le Parti des Travailleurs (PT, gauche au pouvoir depuis 12 ans) sont dans le collimateur des enquêteurs.

‘Pas de cap’

Moins d’un an après sa réélection, la présidente Dilma Rousseff affiche des taux records d’impopularité (8%) et l’opposition réclame sa destitution. Le Parlement refuse d’approuver les coupes budgétaires demandées par le gouvernement pour rééquilibrer les comptes et réclamé par les marchés. Et deux ministres sont soupçonnés d’avoir reçu des fonds illicites pour sa campagne électorale.

Le classement de la dette brésilienne en catégorie spéculative par S&P “va empirer le risque pays, le coût du crédit va devenir plus cher, il va être plus difficile pour les entreprises de trouver des fonds à l’étranger et les investissements vont chuter”, a résumé pour l’AFP l’économiste Margarida Gutierrez, de l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ).

“Les pressions sur notre taux de change vont augmenter, l’inflation va s’accélérer car le taux de change augmente, le chômage va progresser et le PIB va ralentir encore plus”, a-t-elle ajouté.

Jeudi, la Bourse de Sao Paulo a clôturé en léger recul de 0,33% après avoir chuté de 2,2% à l’ouverture, en réaction à la décision de S&P à laquelle ni le gouvernement brésilien, ni les marchés ne s’attendaient “si tôt”.

Le réal a reculé de 1,35% à 3,85 unités le dollar, son minimum en 13 ans. Il a déjà perdu 30,8% de sa valeur cette année.

“La principale crise au Brésil est politique et économique. On regarde le gouvernement à Brasilia et il n’y a pas de cap”, a déclaré à l’AFP André Perfeito, économiste en chef du consultant Gradual Investimentos, à Sao Paulo.

Le ministre de l’Economie, Joaquim Levy “voulait couper dans les dépenses et n’y est pas parvenu. Maintenant, il essaie d’augmenter les impôts mais il n’y arrive pas non plus. Ils ont envoyé au Parlement un budget prévoyant un déficit et maintenant ils essaient de revenir là-dessus”, a expliqué M. Perfeito.

Le gouvernement a surpris fin août en transmettant au Parlement un budget pour 2016 prévoyant un déficit budgétaire primaire, pour la première fois de l’histoire du pays, à 0,5% du PIB, soit 30,5 milliards de réais (8,4 mds USD). Quelques semaines plus tôt il avait promis un excédent primaire de 0,7% du PIB.

Cependant la présidente Rousseff s’est engagée à dégager un excédent budgétaire en 2016, dans une interview parue jeudi.

Avec l’AFP

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