Comment l’affaire DSK bouleverse la donne au FMI

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L’arrestation de Dominique Strauss-Kahn pour agression sexuelle est un véritable séisme pour le Fonds monétaire international. Le Français ne peut plus en assurer la présidence. Un virage vers une politique plus dure, notamment en Grèce, n’est pas à exclure.

Il devait rencontrer hier dimanche Angela Merkel, à Berlin, pour la convaincre de la nécessité d’apporter une nouvelle aide financière à la Grèce. Il devait ensuite embrayer lundi et mardi sur un sommet des ministres des Finances de la zone euro, à Bruxelles. Mais, arrêté par la police de New York au moment de prendre l’avion, et inculpé pour agression sexuelle sur une femme de chambre du Sofitel, Dominique Strauss-Kahn ne pourra honorer ses engagements.

Le directeur général du Fonds monétaire international devra rester sur le territoire américain pour une durée indéterminée. Pour le sommet de Bruxelles, il sera remplacé par Nemat Shafik, une de ses adjointes, a fait savoir le FMI.

DSK, avocat de la cause grecque

Pour la Grèce, l’affaire qui touche le directeur général du FMI est un coup dur. Officiellement, comme l’a confié à Reuters un membre du gouvernement grec, l’affaire n’aura pas d’impact sur la capacité du pays à résoudre la difficile équation posée par ses finances publiques. Tout juste concède-t-il qu’il pourrait y avoir un délai supplémentaire dans le versement de la cinquième tranche du plan d’aide décidé il y a un an. Cette tranche représente une somme de 30 milliards d’euros, et il s’agit du prêt le plus important jamais effectué par le FMI.

Le problème, c’est que cette somme sera sans doute insuffisante et que l’Union européenne et le FMI réfléchissent déjà à un nouveau plan de secours, voire à une restructuration de la dette grecque. Or Dominique Strauss-Kahn a toujours été un fervent avocat de la cause grecque, comme le rappelle le Wall Street Journal. En décembre dernier, il avait critiqué la lenteur de la réaction des Européens face à la crise de la dette. Et, proche du Premier ministre grec George Papandreou, il a toujours défendu les efforts d’Athènes qui, avec DSK, va perdre son principal allié. Selon Rob Cox, un éditorialiste de Reuters, les faucons du FMI, qui ont peu goûté la méthode jugée “trop douce” de DSK, pourraient reprendre le pouvoir et imposer un remède encore plus amer à la Grèce.

Qui pour lui succéder ?

La question de la succession de DSK était déjà posée, à mesure que s’effilochaient les doutes sur sa volonté de se présenter à l’élection présidentielle en France. Mais pour le FMI, elle risque de se poser beaucoup plus vite que prévu, même si le Fonds n’est pas obligé de prendre une décision dès maintenant sur l’avenir de son patron. En interne, au sein de l’institution, on n’hésite d’ailleurs pas à qualifier de “désastre” l’affaire qui vient d’éclater. Un désastre en terme d’image, évidemment.

Bessma Momani, professeur de sciences politiques au Canada, confie ainsi à Bloomberg: “C’est une terrible nouvelle, à un moment où le leadership du FMI doit donner une impression de stabilité, de sagesse et de confiance”. De quoi, selon lui, donner du grain à moudre aux pays émergents, comme le Brésil, la Chine ou le Mexique qui auront beau jeu de souligner le manque de jugeotte de ceux qui ont décidé de mettre DSK à la tête du FMI, en 2007.

Au sein du G24, ces pays ne cessent de contester le monopole des Occidentaux sur la direction de la Banque mondiale et du FMI, et de demander un processus de nomination “ouvert, transparent et basé sur le mérite”.

Mais l’affaire DSK pose aussi des problèmes opérationnels, à court terme. Le temps que durera l’enquête de police sur le cas DSK, le numéro deux du Fonds, John Lipsky, a été nommé directeur général par intérim.

A court terme, c’est cet ex banquier de JP Morgan qui mènera les négociations au nom du FMI. Il est américain et connaît parfaitement les dossiers, notamment le dossier grec puisque selon certaines sources familières du fonctionnement de l’institution, citée par le New York Times, c’est Lipsky, qui, en réalité, a supervisé toute la logistique du plan d’aide à la Grèce.

Mais, comme le rappelle le blog Newsbook de The Economist, non seulement il n’a pas le poids qu’avait DSK, mais en plus, il y a trois jours à peine, il avait annoncé son départ du FMI en août prochain.

Bref, en moins d’une semaine, voilà le FMI laissé en déshérence alors que la Grèce, mais aussi l’Irlande et le Portugal n’ont jamais eu autant besoin de lui et que, à la fin du mois, se profile un important G8 à Deauville destiné à examiner la réforme du système monétaire international, la possibilité d’une taxe sur les transactions financières et les modalités d’une aide des pays occidentaux à l’Egypte et à la Tunisie pour soutenir la transition démocratique. Le FMI a beau assurer qu’il “reste complètement opérationnel”, cela ne laisse pas d’inquiéter.

Thomas Bronnec, L’Express.fr

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