C. Charlot

Cet édito ne devrait pas exister. C’est une honte de devoir écrire, encore une fois, qu’il y a urgence numérique

“Puisse ma démission servir de signal d’alarme”. Laurent Hublet, CEO du campus digital BeCentral, ne pensait pas qu’il serait à l’origine d’une telle secousse dans le microcosme belge de la tech.

Le week-end dernier, il présentait sa démission du groupe de réflexion “Digital Minds” censé éclairer les politiques, ministre de tutelle Mathieu Michel en tête, sur la meilleure manière d’implémenter les projets de relance en matière de numérique. “Un ensemble de décisions vont à l’encontre de l’émancipation numérique de notre pays”, écrivait-il, pointant du doigt notamment la réforme de la fiscalité sur les droits d’auteur largement utilisés dans l’univers du développement de softwares, l’idée d’un concurrent public à Itsme en matière d’authentification, l’inaction en matière de formation, d’infrastructure 5G, , etc. Autant de décisions qui s’opposeraient à la dizaine de priorités dressées par le groupe de réflexion et qui ont convaincu Laurent Hublet de rendre sa démission.

En être là est grave. Car, depuis des années, nombreux sont les politiques à avoir placé le numérique en tête des priorités. Sur papier et dans leurs discours du moins. Le numérique et la tech figuraient même en bonne place dans le dernier accord de gouvernement. Mais force est de constater que la Belgique est loin d’être dans le peloton de tête en ce domaine. Pire, dans le dernier indice de l’économie et de la société numériques mis en place par l’Europe, la Belgique se plaçait en seizième position, en recul de quatre places par rapport à l’année précédente. On ne peut dès lors qu’être choqué quand certains observateurs se mettent à pointer “l’urgence” de mettre le paquet pour l’élaboration d’une stratégie numérique digne de ce nom… en 2022.

Certes, on ne peut pas dire que rien n’a été fait. Et l’on peut se réjouir des quelques success stories comme Odoo, côté francophone. Mais il est trop facile de s’en contenter et de se féliciter depuis des années de la présence de data centers de Google sur notre territoire. Car la vérité, c’est que la Belgique a déjà raté quelques trains numériques. Par exemple dans les fintechs, secteur dans lequel notre pays qui était autrefois réputé pour son innovation technologique en matière de finance aligne quelques jeunes pousses prometteuses, mais accuse désormais un retard réel par rapport à ses voisins. D’ailleurs, les leaders européens du secteur sont systématiquement nés hors de nos frontières. Ajouté au retard pris par la Belgique en matière d’e-commerce, c’est déjà de trop.

Pourtant, notre pays est capable de mettre le paquet sur un secteur. Il l’a prouvé ces dernières années avec les biotechs. Mais le numérique est transversal et nécessite l’adhésion de tous les responsables politiques derrière des mesures fortes et visionnaires. Ce qui manque cruellement. Plusieurs trains sont passés. Tentons d’accrocher les suivants. La Belgique grouille de volonté numérique chez les jeunes entrepreneurs. Il se dit que l’argent pour démarrer et croître n’est plus un problème. Et nous disposons d’atouts comme les centres de recherche, les universités, de grandes entreprises à la pointe qui peuvent initier ou être clientes de nouveaux projets. Sans parler de la question climatique, dans laquelle le numérique peut aussi jouer un rôle majeur.

Qu’attend-on encore? Commençons par une vraie vision, un vrai engagement, une volonté de feu et une unité derrière des objectifs clairs, plutôt que des négociations entre partis et des initiatives souvent trop molles. On est en 2022. Et nous devons avoir honte de devoir, encore une fois, écrire qu’il y a urgence numérique. Puissent nos politiques faire en sorte que ce soit le dernier édito du genre.

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