Ce que veulent vraiment les agences de notation

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D’un côté, elles dénoncent la rigueur qui pèse sur la croissance ; de l’autre, elles exigent une réduction des déficits publics. Que doivent faire les Etats pour satisfaire les agences de notation ?

C’est l’hôpital qui se moque de la charité, aurait-on envie de dire. Moody’s a averti, lundi 23 août, que les mesures d’austérité budgétaire prises par de nombreux pays en Europe font peser un risque sur la notation de ces Etats. Les plans de rigueur vont en effet peser sur la croissance économique des pays européens dans les années à venir, justifie l’agence de notation.

Ces craintes sur la croissance ont déjà conduit Moody’s à abaisser sa notation sur la Grèce, le Portugal, l’Espagne, l’Irlande. Ces quatre pays sont en effet soumis à des cures d’austérité sans précédents. Pourquoi ? Justement pour rassurer les marchés et les agences de notation qui s’inquiètent de la “soutenabilité” de leur dette publique !

La semaine dernière, Moody’s a aussi averti que la France, les Etats-Unis, l’Allemagne et la Grande-Bretagne pourraient perdre leur note ou du moins se rapprochaient d’une dégradation, en raison de leurs “difficultés budgétaires”. Que faut-il donc faire pour plaire à Moody’s : réduire le déficit public, donc prendre des mesures d’économies budgétaires, ou soutenir la croissance, au risque d’aggraver le déficit public ?

“La vision du risque souverain qu’ont les agences et les marchés est en décalage dans le temps, précise Norbert Gaillard, consultant à la Banque mondiale et auteur d’un livre sur les agences de notation aux éditions La Découverte. La durée de détention d’un portefeuille de titres obligataires étant de moins d’un an, les marchés ont une vision de court terme. Les agences de notation ont, elles, une vision macroéconomique de moyen/long terme.”

“La vision du risque souverain qu’ont les agences et les marchés est en décalage dans le temps”

En clair : les politiques de rigueur conjoncturelles (gel du salaire des fonctionnaires, hausse de la TVA, coupes dans les dépenses publiques, etc.) sont peut-être de nature à rassurer les marchés, qui sont alors moins enclins à se débarrasser des titres des Etats et donc à faire pression sur leurs taux d’intérêt, mais pas nécessairement les agences de notation, pour qui assainissement des finances publiques rime avec soutien de la croissance.

Selon ces dernières, les économies budgétaires doivent avant tout porter sur des secteurs peu créateurs de croissance, comme les dépenses militaires. “Les agences de notation apprécient surtout des mesures structurelles de long terme, notamment la nécessité de réformer les systèmes de retraites pour qu’ils ne pèsent plus sur les déficits dans les 5 à 10 ans à venir, souligne encore Norbert Gaillard. Elles attendent aussi de profondes réformes du marché du travail et de la fiscalité qui pèse sur les entreprises, afin de soutenir la croissance.”

Les notes souveraines données par les agences sont valables un an. Hormis quelques cas exceptionnels comme celui de la Grèce, dont la forte dégradation de sa solvabilité avait conduit à un abaissement brutal de sa notation en décembre dernier, les agences assortissent d’abord les notes de perspectives négatives. Sorte d’avertissement qui conduit souvent les marchés à s’affoler. Pour Norbert Gaillard, “ce ne sont pas les agences de notation mais les marchés qui mettent la pression sur la dette des Etats, car ils sont les premiers détenteurs de ces titres obligataires”.

Emilie Lévêque, L’Expansion.com

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