Ce que font les banques pour promouvoir la voiture électrique
La montée en puissance de la voiture électrique ouvre de nouvelles opportunités pour les banques qui élargissent leur champ d’action à tous les services de mobilité.
Vous cherchez une voiture électrique? Demandez à votre banquier. Depuis longtemps, les banques sont un partenaire naturel de la mobilité à travers leurs solutions de crédit, d’assurances et de leasing. Ce qui est nouveau, c’est qu’elles s’organisent pour devenir incontournables. La preuve, BNP Paribas a fait de la mobilité un axe de développement prioritaire. Le groupe espère dégager un milliard d’euros de revenus supplémentaires à l’horizon 2025, et ce indépendamment des profits générés par les différents métiers.
“Avec la transition, la mobilité a aujourd’hui un impact majeur sur les ménages et les entreprises, expose Laurent Loncke, general manager retail banking chez BNP Paribas Fortis. Certes, nous sommes aujourd’hui bien positionnés avec des produits proches de notre coeur de métier. Mais le marché est en pleine mutation. Les enjeux de la mobilité dépassent largement ceux du financement et de l’assurance. Dans cet environnement changeant, la durabilité et la facilité d’utilisation deviennent pour tous nos segments de clientèle de plus en plus importantes.”
Ecosystèmes
Depuis plusieurs années déjà, BNP Paribas Fortis travaille à la construction d’un écosystème centré sur trois domaines d’intervention clés en matière de mobilité: électrification du marché automobile (carte recharge, charging infrastructure, etc.), évolution des préférences des consommateurs à travers le transport multimodal (qui propose de combiner différents moyens de transport et le passage au paiement à l’usage), budgétisation (la mobilité est un élément très important des dépenses des ménages et des entreprises).
Objectif: rendre la mobilité durable la plus accessible et la plus simple possible. Outre l’apport de ses filiales Arval, AlphaCrédit et Axepta, respectivement spécialisées dans le leasing, le financement et les services de paiements, BNP Paribas Fortis s’est ainsi associée à l’assureur AG et à l’organisation d’assistance Touring. En outre, BNP Paribas Fortis est actionnaire à hauteur de 75%, avec AG (25%), de la jeune entreprise Optimile, qui fournit aux employeurs et aux salariés des softwares favorisant la mobilité multimodale et des services pour la recharge des véhicules électriques.
Deux tiers des ménages du pays estiment que les banques doivent encourager les particuliers à passer à la mobilité douce.
Affichant également de grandes ambitions dans le domaine, KBC (et donc aussi CBC) répond aussi à cette évolution depuis un certain temps. Via notamment une batterie de services pratiques inclus dans son appli qui aident les clients à utiliser différents moyens de transport (billets SNCB et Stib, voiture Cambio, parking avec 4411, vélo partagé). De même qu’elle fournit aussi une aide pour l’installation d’une borne de recharge chez soi.
Belfius n’est pas en reste non plus. Cette dernière a, par exemple, investi dans la jeune société anversoise CenEnergy, spécialisée dans la fabrication de bornes de recharge électriques et la fourniture de services annexes (installation de bornes, gestion des factures, etc.) ainsi que dans l’application de mobilité Skipr (groupe D’Ieteren).
Rôle de guide
Si les institutions bancaires s’intéressent aujourd’hui tant à la mobilité, c’est parce que le marché ouvre de nouvelles opportunités. D’abord auprès des particuliers. Selon les résultats d’une toute fraîche enquête réalisée par le bureau d’études Profacts pour le compte de BNP Paribas Fortis auprès de plus de 2.000 Belges (lire l’encadré ci-dessous), deux tiers des ménages du pays estiment que les banques doivent encourager les particuliers à passer à la mobilité douce. “Cela veut dire qu’ils attendent de leur banque qu’elle les guide dans leurs choix”, souligne Laurent Loncke. Par exemple, un Belge sur trois n’a aucune idée du coût mensuel de sa mobilité.
Ce n’est pas uniquement la voiture qui est importante mais la mobilité dans son ensemble. Les attentes des clients sont multiples.”
C’est encore pire pour les jeunes: quasiment un jeune de moins de 24 ans financièrement indépendant sur deux n’a aucune idée de ce que lui coûte sa mobilité chaque mois. Par ailleurs, 38% des Belges ne sont pas satisfaits de la connectivité entre les différents moyens de transport. Et alors que quatre Belges sur dix souhaitent passer à une voiture électrique ou hybride d’ici 2029, un quart des ménages attendent de leur banque qu’elle les aide à mieux comprendre tous les avantages fiscaux, les primes et subventions accordés dans le cadre de l’achat d’une voiture électrique et de sa borne de recharge.
60 % du “fleet”
Les chiffres en disent long sur le besoin des ménages d’être accompagnés dans leur transition, comme l’analyse Laurent Loncke. “Ils sont un peu perdus. Il y a aussi des craintes quant au prix, à l’autonomie, etc. Tout cela renforce le positionnement de la banque comme point de contact en matière de mobilité durable aux yeux des ménages.”
Un constat que partage Guy De Ceuster, CEO de Belfius Auto Lease: “Ce n’est pas uniquement la voiture qui est importante mais la mobilité dans son ensemble. Les attentes des clients sont multiples. Outre la durabilité, il y a la multi-modalité, le budget mobilité, les solutions en matière de recharge, etc. Les banques ont effectivement un rôle de conseiller à jouer vu cette complexité pour informer correctement le client sur les différentes possibilités qui existent”.
Si le marché est aujourd’hui porteur, et apparaît comme un levier de croissance pour les grandes banques, c’est aussi parce que les entreprises sont fortement demandeuses. “La durabilité est devenue quelque chose d’important auprès des fleet managers de nos entreprises clientes”, poursuit Guy De Ceuster chez Belfius où près de 60% des commandes concernent désormais des voitures électriques.
Des coûts en baisse
C’est que “pour une entreprise, le coût de location d’un véhicule électrifié, c’est-à-dire électrique ou hybride, est égal ou inférieur à celui d’un véhicule thermique, indique Laurent Loncke. Si le prix d’achat d’un véhicule électrique reste toujours plus élevé que celui d’un thermique, la mensualité en leasing peut en effet être plus intéressante. C’est clairement un accélérateur du passage à l’électrique en entreprise”.
Bien sûr, des différences peuvent exister dans certains cas en fonction des modèles. Mais en moyenne, le TCO (pour total cost of ownership) du full électrique devient de plus en plus avantageux. “Le coût total du véhicule tout au long de son utilisation, qui inclut non seulement le prix d’achat mais aussi l’entretien, l’assurance, les pneus, les avantages fiscaux, la consommation, devient moins élevé pour les véhicules écologiques que pour les voitures à essence ou diesel. C’est une première pour la majorité des modèles électrifiés, confirme Guy De Ceuster. Il y a quelques années, ces coûts étaient encore nettement plus élevés.”
Les banques sont désormais vue par les ménages comme des coachs pour les thèmes principaux de leur vie quotidienne, qu’il s’agisse de la voiture, de la maison, de l’énergie, etc.
La fin progressive de la déductibilité fiscale pour les véhicules émettant du CO2 (essence, diesel mais aussi hybrides plug-in) d’ici 2026 est bien sûr un élément important. “Certainement dans le cas des voitures de société, car la fiscalité pénalise tout ce qui n’est pas électrique”, confirme KBC qui s’attend à un basculement presque complet du parc automobile vers l’électrique à l’horizon 2026. Et puis, il y a le marché de l’occasion. “L’électrique devient plus intéressant pour les clients mais également pour la banque à cause du potentiel de revente de ces véhicules électriques qui constituent à terme une part importante du marché de l’occasion. La durée de vie et la qualité des batteries sont supérieures à ce qu’elles étaient au début et continuent de s’améliorer”, pointe Guy De Ceuster.
Plus loin que la voiture
Plus largement encore, l’enquête de BNP Paribas Fortis souligne l’importance prise par le numérique sur le terrain de la mobilité: pas moins de quatre Belges sur dix se disent prêts en effet à partager leurs données de localisation pour améliorer le trafic en connectant mieux les options de transport et les utilisateurs tandis que 28% seraient intéressés par une application regroupant plusieurs services de mobilité (Google, Waze, Uber, etc.).
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“La mobilité est clairement devenue un écosystème avec de nombreux acteurs en constante évolution, résume Laurent Loncke. On peut même dire qu’elle est entrée dans l’ère du sur-mesure. De plus en plus, on est chacun à la recherche de sa propre mobilité. Dans ce contexte, nous sommes désormais vus par les ménages comme un coach pour les thèmes principaux de leur vie quotidienne, qu’il s’agisse de la voiture, de la maison, de l’énergie, etc.”
Comme le souligne KBC, la mobilité s’inscrit en effet parfaitement dans l’économie as a service (par abonnement), où les utilisateurs peuvent bénéficier de solutions durables tout compris (maintenance, gestion des dépenses, aperçu de la consommation, installation d’une borne, de panneaux solaires, etc.) et sans souci, qui deviennent de plus en plus la norme. Alors que la voiture était autrefois un actif distinct, elle est désormais liée à l’actif le plus important pour la plupart des banques: la maison.
Des banquiers qui facilitent la transition
Le Belge attend de sa banque qu’elle agisse de manière proactive pour l’accompagner dans ses choix de mobilité durable. C’est ce qui ressort de l’enquête menée par BNP Paribas Fortis auprès de plus de 2.000 Belges sur la mobilité du futur. Le chiffre est en effet révélateur: 59% des ménages du pays ne sont pas au courant des incitants qui existent pour soutenir l’achat de véhicules moins polluants. Et pour un quart d’entre eux, “ils attendent que leur banque les aide à mieux comprendre ces différentes subventions”, indique Leen Teunen, head of marketing & change retail private banking.
Selon la spécialiste de BNP Paribas Fortis, les ménages se montrent encore sceptiques quant au passage à l’électrique, contrairement aux entreprises qui ont pris le train en marche. Les raisons sont diverses: la crise, le coût, les délais de livraison, les bornes, etc. Résultat, seule une famille sur dix possède une voiture électrique ou hybride. Ce sont “les early adopters qui peuvent se le permettre financièrement, qui peuvent placer une borne chez eux, etc.”, dit Leen Teunen.
Les avantages financiers directs accordés pour des véhicules plus écologiques restent en effet en tête des préoccupations des répondants, primes d’assurance avantageuses (38%) et crédit moins cher (35%). Le besoin d’un package total pour la mobilité électrique (23%), une gamme plus large de modèles de voitures électriques (15%), et les conseils par le biais d’un audit de mobilité (8%) comptent néanmoins aussi. “Le potentiel pour convaincre les ménages de passer à l’électrique est énorme”, souligne Leen Teunen.
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