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C’est maintenant qu’il faut penser à l’hiver 2037

Si nous voulons savoir comment passer l’hiver 2037, il est temps d’avoir un vrai débat sur le nucléaire.

C’est mieux que rien mais ce n’est vraiment pas grand-chose. Le gouvernement avait promis un premier accord avec Engie au sujet de la prolongation de deux de nos centrales nucléaires. Il a pu montrer une lettre d’intention (“non liante”, souligne Engie) qui dit que le groupe français veut bien parler du sujet. C’est déjà ça, mais nous sommes encore loin d’avoir prolongé Doel 4 et Tihange 3, ces deux réacteurs qui pourraient vivre encore quelques années.

Bon, admettons qu’il y ait un accord à la fin de cette année, comme le promet le gouvernement, avec la création d’une société commune Etat/Engie qui devrait se partager les bénéfices et les charges d’exploitation. Quelles seront les prétentions d’Engie pour monter dans ce bateau? C’est la question qui turlupine beaucoup de monde aujourd’hui. Pourtant, d’autres questions concernant notre approvisionnement devraient nous faire bondir. Car même si Tihange 3 et Doel 4 sont remis en service, les deux réacteurs ne seront réveillés qu’à la fin de l’année 2026 et il nous restera trois problèmes sur les bras.

Primo, comment combler le trou (un peu plus d’un an) entre l’arrêt de toutes les centrales en 2025 et le redémarrage des deux réacteurs, prévu au plus tôt en novembre 2026? On compte sur la construction d’au moins trois centrales au gaz. Mais du gaz, l’Europe nous demande d’en consommer moins. De plus, une centrale, à Vilvorde, s’est vu refuser son permis. Et une autre, à Seraing, fait l’objet d’une bataille politique surréaliste. Aujourd’hui, on ne sait toujours pas comment passer au chaud le nouvel an 2026. Secundo, comment faire pour compenser la production nucléaire définitivement abandonnée, quoi qu’il arrive? Les régulateurs se sont penchés sur le sujet, ont additionné les capacités en renouvelable, en centrales au gaz, etc., mais nous sommes encore trop courts, surtout si l’on ajoute à la demande actuelle celle du parc de véhicules électriques à venir. Et tertio, que faire en 2037, lorsque les deux réacteurs qui auront été prolongés (si tout va bien) de 10 ans seront définitivement arrêtés?

Vous trouverez dans ce magazine des pistes de réflexion. Jean-Marc Jancovici, que nous avons interviewé, rappelle que ce sont les caractéristiques des énergies fossiles et surtout du pétrole qui ont permis l’essor de la civilisation industrielle actuelle. La sortie des énergies fossiles ne sera donc pas évidente. Dans un pays comme le nôtre qui fait à peine 31.000 km2, la surface n’est pas illimitée si l’on veut à la fois construire des parcs d’éoliennes, des fermes solaires, avoir des terres pour la production de biocarburant, des forêts pour la biomasse, continuer à rouler en voitures individuelles et à vivre dans des maisons avec jardin. Sans le nucléaire, notre train de vie risque de se réduire comme peau de chagrin.

Certes, il existe d’autres pistes que l’atome, mais elles ne sont pas aussi puissantes et émettent parfois du CO2. Vous verrez dans les pages qui suivent que le biométhane, s’il est correctement mobilisé, pourrait répondre à une grande partie des besoins en gaz des ménages. Il reste que si nous voulons savoir comment passer l’hiver 2037, il est temps d’avoir un vrai débat sur le nucléaire.

La question est brûlante si nous ne voulons pas retomber dans la situation extrêmement précaire que nous vivons aujourd’hui. Dans un pays correctement géré, nous devrions décider maintenant de notre politique énergétique dans une quinzaine d’années. Car c’est le laps de temps qu’il faut pour construire de nouvelles centrales. Certains de nos voisins (France, Pays-Bas, Royaume-Uni) ont déjà sauté le pas et vont élargir leur parc nucléaire. Serait-il possible que pour une fois, nous n’attendions pas qu’il soit trop tard?

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