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‘C’est le moment idéal pour soigner définitivement notre addiction à la dette’

Cette dette qui gonfle sans cesse nous tue. C’était le message de The Economist voici quelques jours. Un message bienvenu en ces temps où, comme le soulignait la patronne de l’Open Vld Gwendolyn Rutten à nos collègues du Vif, il est nécessaire de mettre en place un nouveau modèle économique.

L’ancien modèle s’est en effet gavé de dette jusqu’à exploser. Selon McKinsey, la dette mondiale qui pesait 87.000 milliards de dollars en 2000 atteignait quasiment 200.000 milliards en 2014. Ce doublement en moins de 15 ans s’explique en partie par la crise de 2007, qui a obligé les pouvoirs publics à mobiliser leurs lignes de crédit pour sauver le système financier. Mais le phénomène remonte à bien avant. Ce sont les pauvres gains de productivité de nos pays développés et la stagnation des salaires réels depuis deux décennies qui ont poussé tant les Etats que les ménages à s’endetter au-delà du raisonnable. Le phénomène a été encouragé par la politique d’argent abondant et pas cher menée par les banques centrales. Mais il a été exacerbé, comme le souligne The Economist, par le fait que la plupart des systèmes fiscaux poussent à l’endettement en permettant de déduire le coût des intérêts. Un énorme cadeau fiscal, qui pesait en 2007 un montant équivalent à 4,9 % du PIB aux Etats-Unis et à 2,4 % dans la zone euro. Et malgré la baisse des taux qui a eu lieu depuis, le cadeau reste substantiel. En 2013, il représentait encore 2,2 % du PIB aux Etats-Unis et 1,3 % dans la zone euro, soit donc, pour cette dernière, 130 milliards d’euros… par an.

Est-ce de l’argent bien employé ? Souvent, non. Cet incitant est en effet très déstabilisant. En permettant aux ménages de s’endetter davantage, il a provoqué une flambée de l’immobilier un peu partout. Le taux d’endettement des ménages s’est accru, leur pouvoir d’achat réel s’est amenuisé. Et quand l’économie s’est retournée en 2008, les défaillances ont germé. Non seulement la croissance en a pâti, mais aussi la stabilité du système bancaire, puisque de grosses masses de crédits potentiellement toxiques sont apparues et menacent d’ailleurs toujours en Grèce, au Portugal, en Italie, en Espagne…

Pourquoi encourager les Belges à s’endetter alors qu’ils disposent de 250 milliards sur leur livret ?

Certes, chez nous, l’immobilier est relativement sain, et la santé financière des ménages relativement bonne. Mais pourquoi encourager les Belges à s’endetter alors qu’ils disposent de 250 milliards d’euros sur leur livret ? Mobiliser cette épargne, plutôt que l’endettement, réduirait les bilans des banques, et donc les risques, et permettrait à celles-ci d’affecter des crédits à des secteurs réellement productifs et innovants.

En outre, ce cadeau fiscal n’est pas particulièrement équitable. Ce sont ceux qui procèdent aux plus grosses acquisitions, donc généralement les ménages les plus aisés, qui en profitent le plus.

On pourrait avancer que l’endettement permet aux entreprises de bénéficier d’un effet de levier et donc de favoriser le rendement du capital et la prise de risque. Mais en réalité, ce n’est pas vraiment le cas. Comme pour les ménages, nous avons aujourd’hui en Belgique un système aberrant. D’un côté, les entreprises disposent de latences fiscales (dues en grande partie à la déductibilité des intérêts et des pertes reportées) de 150 milliards d’euros et d’énormes liquidités (240 milliards d’euros). De l’autre, nous continuons à perdre des parts du marché mondial et notre compétitivité (qui ne se résume pas seulement à la hauteur des salaires, mais également à la qualité des produits et à l’innovation) laisse à désirer.

La refonte nécessaire de notre modèle passe donc par la case dette. Il ne faut plus encourager l’endettement, mais le capital et la prise de risque. Ce sont eux les vrais moteurs de l’économie. Ayons le courage de soigner définitivement notre addiction à la dette. Le moment est idéal : les taux sont au plancher, et le tax shift sur lequel planche le gouvernement est une occasion rêvée.

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