Budget italien: entre dialogue et pressions, la voie étroite de Bruxelles

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Rome doit soumettre lundi son projet de budget 2019 à la Commission européenne, un exercice à haut risque pour Bruxelles qui, en exigeant le respect des règles de l’UE, risque de renforcer le courant populiste.

Jusqu’ici, l’exécutif européen chargé de faire respecter la discipline budgétaire dans la zone euro a toujours privilégié le dialogue avec les mauvais élèves et n’a jamais sanctionné personne.

Les exigences de Bruxelles

Au coeur des préoccupations de la Commission européenne, la dette publique italienne, qui représente quelque 131% du Produit intérieur brut (PIB), soit le ratio le plus élevé de la zone euro derrière la Grèce.

C’est bien au-dessus des 60% du PIB, seuil limite fixé par les règles européennes, et de la moyenne de tous les pays de la zone euro, qui tourne actuellement autour de 86,5% du PIB.

Bruxelles exige de l’Italie qu’elle modère ses dépenses et réduise son déficit public, même si ce dernier est en dessous du fameux seuil des 3% du PIB depuis 2015. En 2018, il devrait être de 1,7%, selon les prévisions au printemps de la Commission européenne.

Le 3 octobre, le gouvernement italien a mis sur la table un projet de budget prévoyant un déficit public de 2,4% du PIB en 2019, puis 2,1% en 2020 et 1,8% en 2021.

Or, pour la Commission européenne, il s’agit d’une “déviation significative par rapport au parcours précédent” des comptes publics italiens et des recommandations européennes.

“L’Italie ne respecte pas sa parole”, accuse Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, dans un entretien au Monde vendredi. L’ancien gouvernement italien de centre-gauche avait promis un déficit public à 0,8% pour 2019.

En outre, l’exécutif européen a demandé à l’Italie un “effort structurel” (c’est-à-dire une réduction de taux de croissance des dépenses, qui peut passer par exemple par des réformes du marché du travail ou du régime des retraites) de 0,6% du PIB en 2019.

Mais le gouvernement populiste a décidé de prendre exactement le chemin inverse puisque, selon son projet de budget, il prévoit une “détérioration structurelle” de 0,8% du PIB.

Les prochaines étapes

Après avoir reçu le projet de budget italien – ainsi que celui des 18 autres pays de la zone euro – la Commission européenne aura une semaine pour engager des consultations avec Rome en “cas de non respect grave” des règles et deux semaines pour adopter un avis.

Si son opinion est négative, l’exécutif européen peut demander à l’Italie de lui présenter un projet de budget révisé, dès que possible et, en tout état de cause, dans les trois semaines suivant la date de son avis.

Si Rome refuse de fournir un nouveau projet de budget, il pourrait alors y avoir une ouverture de “procédure de déficit excessif”, qui pourrait aboutir théoriquement à des sanctions financières.

Le 30 novembre est l’ultime limite pour que la Commission européenne se prononce sur les projets des budgets nationaux.

Les 19 ministres des Finances de la zone euro, réunis lors d’un eurogroupe en décembre, doivent adopter ensuite un avis par consensus sur la position de l’exécutif européen.

La loi du marché plus efficace que Bruxelles?

Le Commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, l’a répété à maintes reprises par le passé, “les règles ne sont pas stupides”, elles “doivent être flexibles et s’adapter aux situations”.

Et de fait, tous les mauvais élèves ont jusqu’ici échappé à des sanctions financières, qui peuvent atteindre jusqu’à 0,2% du PIB national.

Ainsi la France a dérapé pendant neuf ans avec un déficit public supérieur à la limite fixée de 3% du PIB, revenant seulement dans les clous en 2017 avec 2,6%, pour la première fois depuis 2007 où il était de 2,7%. Elle n’a jamais été punie.

De même l’Espagne et le Portugal ont évité en 2016 des amendes malgré des déficits publics bien au-delà du cadre fixé.

A quelques mois des Européennes de mai et alors que les partis populistes et eurosceptiques ont le vent en poupe dans de nombreux pays, la Commission devrait, une fois encore, se montrer flexible.

Mais Rome pourrait mettre de l’eau dans son vin sous la pression des marchés, qui feraient en quelque sorte le travail de la Commission: le “spread” – le très surveillé écart entre les taux d’emprunt italien et allemand à dix ans – s’est largement accru ces derniers jours.

Le gouvernement italien attend dans les prochaines semaines les avis des agences Moody’s et S&P sur sa dette.

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