Bruxelles veut assouplir son corset budgétaire pour libérer la croissance

Paolo Gentiloni, commissaire européen à l'Economie © Belgaimage

Plus de souplesse et plus de crédibilité : Bruxelles a présenté mercredi un projet de réforme des règles budgétaires de l’UE pour réduire les dettes publiques excessives tout en libérant l’investissement.

“Afin de mieux appliquer les règles, nous les allégeons, nous les simplifions”, a résumé le commissaire européen à l’Economie, Paolo Gentiloni. L’exécutif européen veut tirer les leçons de l’échec du “Pacte de stabilité et de croissance”.

Depuis la crise financière de 2008, et encore plus depuis la crise du Covid en 2020, il n’a pas empêché l’envolée de la dette dans certains pays membres. Elle culmine aujourd’hui à près de 150% du PIB en Italie et quelque 110% en France. Dans le même temps, l’Europe a bridé ses efforts dans le numérique, la transition verte ou la défense et subit encore un décrochage économique par rapport à l’Asie ou les Etats-Unis.

“Nous n’avons pas investi comme nous l’aurions dû (et) le désendettement a échoué peut-être parce que nos règles étaient irréalistes”, a reconnu M. Gentiloni, estimant que les idées présentées mercredi par la Commission permettraient aux pays membres d’adopter “un cap bien plus progressif, bien plus souple”.

Le projet de réforme maintient les ratios de référence emblématiques inscrits en 1992 dans le traité de Maastricht: un déficit des administrations publiques limité à 3% du PIB national et une dette publique plafonnée à 60% du PIB. Mais, afin de promouvoir l’investissement, la Commission souhaite donner aux Etats plus de marges de manoeuvre dans la politique à mener pour garantir des comptes publics soutenables.

Règles pas respectées

Les règles actuelles n’étaient pas respectées. Elles prévoyaient des trajectoires correctives tellement sévères qu’elles auraient imposé aux pays les plus mal lotis une cure d’austérité destructrice. Une procédure pour déficit excessif peut théoriquement aboutir à des amendes mais, dans les faits, elles n’ont jamais été mises en oeuvre.

Concrètement, Bruxelles propose à l’avenir de définir pour chaque Etat membre une trajectoire budgétaire de référence sur une période de quatre ans, adaptée à sa situation financière afin d’atteindre “de façon crédible un déficit qui resterait sous 3% du PIB”. Chaque pays présenterait ensuite son propre projet budgétaire, qui inclurait aussi des propositions de réformes et d’investissements, sur le modèle des plans de relance financés par l’endettement commun européen considéré comme un succès.

En échange des réformes, les pays pourraient obtenir un allongement de trois années supplémentaires pour revenir dans les clous du Pacte de stabilité, soit sept ans au total. Les plans nationaux seraient évalués par la Commission ainsi que les autres Etats membres, puis surveillés sur la base d’un rapport annuel de progression soumis par chaque capitale. Pour simplifier ce contrôle, l’exécutif européen s’appuierait sur un seul indicateur: l’évolution du niveau des dépenses publiques.

“Instruments de torture”

Afin de contrebalancer cette souplesse accrue, Bruxelles assure vouloir mettre en place des sanctions se voulant “plus efficaces” en abaissant leur montant qui jusqu’ici pouvait théoriquement atteindre jusqu’à 0,5% du PIB. “Les (nouvelles) règles budgétaires se concentreraient sur une réduction de la dette là où elle est élevée, sur la base de plans définis par les Etats membres qui devront respecter les conditions fixées par l’UE”, a expliqué le vice-président de la Commission, Valdis Dombrovskis.

L’idée est de réconcilier les pays dits “frugaux” d’Europe du Nord à la recherche d’une application plus stricte des règles et les Etats surendettés du Sud qui souhaitent plus de liberté pour investir.

Bruxelles espère que ces idées permettront d’aboutir à une proposition législative l’an prochain, avant la réactivation prévue début 2024 du Pacte de stabilité suspendu depuis la crise du Covid. Mais les positions restent divergentes parmi les Vingt-Sept et le débat s’annonce difficile. “Le risque d’impasse” existe, a reconnu M. Gentiloni.

“La France est prête à engager un dialogue constructif” sur ces propositions dont “elle partage les objectifs”, a-t-on indiqué à Bercy. “Elles contiennent des éléments qui méritent d’être soutenus mais il reste encore beaucoup de points à discuter”, a estimé de son côté le ministre allemand des Finances, Christian Lindner, soulignant que “toute réforme devra respecter le principe fondamental de solidité financière”.

Plus critique, l’eurodéputé conservateur allemand Markus Ferber a déploré des sanctions trop faibles contre les pays en dérapage budgétaire. “La Commission a besoin de vrais instruments de torture et doit être prête à les appliquer réellement”, a-t-il affirmé.

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