Bruno Colmant: “L’euro est une monnaie adulte et crédible”
Fin connaisseur des questions monétaires, l’économiste dresse un bilan positif de la devise européenne 20 ans après son arrivée dans nos portefeuilles et se montre confiant quant à son avenir.
1. Après 20 ans d’existence, quel bilan tirez-vous de l’euro?
L’euro est né d’une coïncidence historique: la réunification allemande. L’Allemagne a abandonné sa souveraineté monétaire pour obtenir le soutien européen au recouvrement de sa souveraineté territoriale. Pendant les 10 premières années, l’euro fut une monnaie germanique et protestante, forte et sans inflation, sur le modèle du deutsche mark. Cette situation a d’ailleurs précipité les pays méditerranéens au bord du gouffre. Aujourd’hui, l’euro est plutôt du Sud. La Banque centrale européenne refinance directement les Etats et contribue à la stimulation de l’économie. C’est un renversement idéologique complet qui intègre la monnaie dans l’objectif de plein emploi. C’est aussi l’abandon tacite des critères de Maastricht qui n’ont plus le moindre fondement. Tous les pays y trouvent leur compte: ceux du Nord ne doivent plus réévaluer leur monnaie, ce qui pénalise les exportations, tandis que ceux du Sud peuvent financer leur dette publique à des conditions allemandes. Plus personne ne parle d’ailleurs de scission de la zone euro.
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2. L’euro a-t-il vraiment fait augmenter les prix?
Il n’a apporté aucune inflation. Au contraire, pendant plusieurs années, on a frôlé la déflation, c’est-à-dire l’inflation négative. Il est vrai qu’aujourd’hui, certains biens et services subissent l’inflation, mais c’est essentiellement lié à une augmentation des prix énergétiques et à des raréfactions de matières premières, totalement indépendantes de l’euro. Cette inflation récente pose d’ailleurs un problème puisqu’elle appauvrit les travailleurs et les épargnants qui doivent subir un taux d’intérêt nul sur leur épargne. Et cela risque de perdurer car la BCE ne peut pas augmenter les taux d’intérêt alors que les dettes publiques ont atteint un niveau stratosphérique.
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3. Quels sont les défis pour l’avenir?
L’euro est une monnaie adulte et crédible. Il y a 10 ans, en juillet 2012, Mario Draghi avait dû dire qu’il ferait tout pour sauver l’euro, qui risquait de sombrer. Aujourd’hui, l’avenir de l’euro, c’est une place affirmée dans le commerce international et dans le développement d’un euro digital, c’est-à-dire la possibilité pour les particuliers et les entreprises d’ouvrir un compte auprès de la BCE de manière totalement sécurisée. Mais de gigantesques chantiers subsistent: une union bancaire digne de ce nom et surtout une gestion homogène de la monnaie par l’établissement d’un ministère européen de l’euro. Car il ne faut pas l’oublier, l’euro est la seule devise mondiale qui n’a pas de gouvernement.
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