Brexit: “Ce sera un divorce et les divorces coûtent toujours très cher”

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Philip Mowat se promène dans les allées du congrès du Parti conservateur britannique à Birmingham avec une drôle de pancarte où l’on peut lire: “Est-ce le moment d’appuyer sur le bouton” pour sortir de l’Europe? Depuis le vote pour le Brexit, dit ce chef d’entreprise, c’est “dur”.

On trouve de tout dans le hall des exposants de la conférence des tories au pouvoir depuis 2010 au Royaume-Uni. Chemises en coton, macarons, sacoches en cuir de vache du Maroc, bougies parfumées à la cannelle et même des peluches en forme de poissons tropicaux, un vrai supermarché.

On y trouve aussi des chefs d’entreprises inquiets. Et plus particulièrement depuis le 23 juin, date à laquelle les Britanniques ont décidé par référendum de sortir de l’Union européenne.

Dernier soubresaut en date: l’annonce par la Première ministre Theresa May de l’ouverture des discussions sur le Brexit d’ici à la fin mars 2017, qui a fait plonger la livre sterling en ravivant les craintes d’un divorce “sans compromis”.

Pas forcément une surprise pour Philip Mowat, patron de Tie Club, petite entreprise de vente de cravates basée à Edimbourg (Ecosse).

Cette situation, cette incertitude, il les a déjà connues.

Juste après le référendum, “la livre avait plongé face au dollar”, se souvient-il. “C’est dur pour les affaires depuis le Brexit”.

“On est inquiets, je crois que tout le monde est inquiet”, dit-il devant une vitrine présentant un large choix de cravates aux motifs variés. “L’économie, ajoute-t-il, n’aime pas l’instabilité et c’est ce que nous sommes en train de vivre”.

Même son de cloche au stand de BMB Group, spécialisé dans la confection de costumes et fournisseur officiel d’uniformes pour le palais de Buckingham.

“C’est difficile d’être vraiment confiant en l’avenir”, dit à l’AFP Tracey Roberts, une responsable de l’entreprise, tandis que, à quelques pas derrière elle, un employé prend les mesures d’un client avant de l’aider à choisir parmi une sélection de tissus.

“Au bout du compte, développe-t-elle, nous ne savons pas ce qui va se passer avec les accords commerciaux” que le Royaume-Uni devra négocier pour remplacer ceux qui tombaient sous la coupe de l’Union européenne.

A l’instar de Philip Mowat, elle réclame de la “stabilité”, des certitudes, des perspectives à long terme, soulignant que dans le secteur qui est le sien, la gestion de l’imprévu peut s’avérer particulièrement complexe.

“Quand vous travaillez dans la vente de détail, et que vous achetez un an à l’avance, vous ne pouvez pas faire grand-chose, à part mettre davantage de produits en vente”, avec les risques que cela comporte, explique-t-elle.

‘Le ciel n’est pas tombé sur nos têtes’

Dimanche, lors d’un discours devant les militants, Theresa May s’est employée à rassurer les entreprises, pour éviter que d’autres, à l’instar du groupe automobile Nissan, ne gèlent leurs investissements en attendant d’en savoir plus sur la future relation de Londres avec l’UE.

“Il y a encore de l’incertitude mais le ciel n’est pas tombé sur nos têtes, contrairement à certaines prédictions”, a-t-elle déclaré.

Mais si elle a effectivement fait preuve de résilience et déjoué les pronostics, l’économie britannique est loin d’être tirée d’affaire, notent les experts. En particulier si le pays s’engage dans la voie d’un “Brexit dur”, qui verrait le Royaume-Uni tourner le dos à l’immigration européenne et au marché unique.

“Un Brexit dur signifierait très probablement la perte pour le Royaume-Uni de ses passeports européens”, sésame pour commercer dans les 27 autres pays de l’Union européenne, note Holger Schmieding, analyste chez Berenberg.

Londres resterait alors “certainement une plateforme européenne majeure pour les services financiers”, mais la ville risquerait de perdre en attractivité, poussant certaines entreprises à “relocaliser une partie de leurs activités”, ajoute-t-il.

Pour Charlie Mullins, un autre exposant au congrès des tories, le pire est à venir, et surviendra après le déclenchement de l’article 50 du Traité de Lisbonne, qui lancera officiellement les négociations pour la sortie du Royaume-Uni de l’UE.

“Ce sera un divorce”, dit ce créateur de l’entreprise de plomberie Pimlico Plumbers. “Et les divorces, ça vous coûte toujours très cher”.

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