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Blocage politique: “Changer de système électoral”

Cela fait à présent plus d’un an que la Belgique ne dispose pas d’un gouvernement de plein exercice. Celui en fonction est en affaires courantes et ne dispose pas de majorité depuis la fin 2018.

Cette situation ne présente pas que des inconvénients. Les contribuables peuvent provisoirement s’en féliciter, puisque sans majorité parlementaire, il est pratiquement impossible de voter un véritable budget et que sans celui-ci, il est difficile d’augmenter les impôts. Or, il ne faut pas se faire d’illusions : quelle que soit la majorité qui sortira finalement des conciliabules entre partis, elle décidera d’augmenter les impôts. Le trou budgétaire est colossal et comme tous les autres gouvernements, celui qui viendra au pouvoir augmentera encore les charges des citoyens dans le pays le plus taxé au monde.

Mais il faut reconnaître que l’absence de gouvernement n’est pas un signe de bonne gestion. Si l’on ne parvient pas à constituer une majorité, c’est sans doute en raison du double antagonisme qui existe, d’une part, entre la gauche et la droite, et d’autre part, entre Flamands et francophones. Avec cette particularité que n’ont pas d’autres pays plurilingues, comme la Suisse, qu’il n’existe guère de parti national. L’impossibilité de dégager une majorité résulte essentiellement de notre système électoral. Ce n’est pas par hasard si les trois pays occidentaux qui éprouvent le plus de difficultés à former actuellement un gouvernement sont la Belgique, l’Espagne et Israël, soit trois pays qui connaissent un système dit ” proportionnel “. Les Pays-Bas, qui appliquent le même système électoral, sont d’ailleurs régulièrement affectés du même mal.

On reconnaît au système proportionnel l’avantage de refléter de manière plus ou moins exacte les divers courants dans la société et d’assurer une représentation à toute opinion disposant d’un certain soutien. Mais il conduit toujours à un émiettement de la représentation parlementaire et à la constitution difficile de coalitions. En revanche, le système majoritaire, à l’anglaise (dans chaque circonscription, l’élu est celui qui a le plus de voix), ou à la française (élection en deux tours d’un élu dans chaque circonscription), dégage presque toujours des majorités claires, et complique l’apparition de partis extrémistes : le Rassemblement national des Le Pen en sait quelque chose. Inversement, en Belgique, si le Vlaams Belang et le PTB sont si puissants qu’ils le sont aujourd’hui, ils le doivent au système proportionnel parce qu’ils auraient très peu de chance d’obtenir une majorité des voix, même dans une seule circonscription. Or, l’existence au Parlement de partis extrêmes, qui font l’objet d’un ” cordon sanitaire “, complique encore la possibilité d’un accord entre les partis plus modérés.

Si nos partis voulaient réellement rendre plus facile la constitution d’un gouvernement, ils proposeraient de passer au scrutin majoritaire. S’ils ne le font pas, c’est sans doute notamment parce que celui-ci réduit le pouvoir des organes centraux des partis. Dans notre système proportionnel, les scrutins sont faits par listes, organisés par le parti et les parlementaires ont individuellement très peu d’autonomie. Ils savent que s’ils ne votent pas suivant les instructions qu’ils reçoivent, ils ont très peu de chance de figurer encore en ordre utile lors des prochaines élections. En revanche, dans le système majoritaire – et c’est une qualité supplémentaire de celui-ci – les partis accordent, circonscription par circonscription, une ” investiture “, mais il est souvent arrivé que des personnalités marquantes, bien implantées, parviennent à se faire élire régulièrement sans disposer de cette investiture, ce qui leur donne beaucoup plus d’indépendance, et une réelle représentativité de leurs électeurs.

Il est vrai que si l’on introduisait en Belgique le scrutin majoritaire, on verrait sans doute se fédérer un grand parti de centre-droit en Flandre et un grand parti de centre-gauche en Wallonie et que cela pourrait conduire à la scission du pays. Ce n’est jamais, faut-il le dire, qu’une expression plus nette d’une situation qui est déjà existante, confirmée par l’incapacité du PS et de la N-VA à s’entendre. S’il devait apparaître que telle est la volonté des électeurs, faudrait-il vraiment s’acharner à empêcher qu’elle se concrétise, en cherchant encore des accords entre de multiples petits partis très peu représentatifs de l’opinion de leur région ?

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