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“Bénissons chaque jour de vivre en Occident malgré nos difficultés de pouvoir d’achat”

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

Je suis commentateur économique depuis quelques années déjà. Depuis, très longtemps, trop longtemps sans doute, la plupart des experts financiers se sont convaincus que la géopolitique était devenue une variable mineure dans les grandes décisions économiques.

En gros, les Etats avaient perdu le pouvoir, et ce qui comptait, c’étaient les grands groupes, les multinationales et le rôle des grandes banques centrales. Dieu sait si j’ai entendu cette antienne. Aujourd’hui, certains nous disent qu’avec la crise covid puis la guerre en Ukraine, c’est le retour de l’Etat qui va mettre fin à l’ordre ultralibéral, source de tous nos maux.

C’est un slogan certes, mais un retour de l’Etat où ça ? En tout cas, pas en Belgique ni en France, avec un taux de prélèvement social et fiscal de presque 60% du PIB, je ne vois pas comment on peut dire que l’Etat a disparu, il n’a jamais disparu puisqu’il prélève quasi 60% de la richesse nationale.

Et comment peut-on dire que l’Etat a disparu lorsqu’il s’est occupé de nous dire combien de personnes exactement nous pouvions rencontrer durant le covid ou à combien de kilomètres nous pouvions nous éloigner à l’extérieur de notre maison, c’est tout sauf de l’ultralibéralisme.

De même, lorsque le gouvernement nous dit à combien de degrés il faut chauffer notre appartement. En France, on projette même de le vérifier. C’est tout sauf la jungle libérale. Bien entendu, je parle de nos pays, pas de l’Asie ou des Etats-Unis.

Non, le vrai retour en économie, c’est la géopolitique. On le voit avec la Russie. Au début, exactement comme pour l’inflation, les économistes ont minoré le rôle de ce pays et de l’Ukraine. Aujourd’hui pour reprendre la blague populaire, on a l’impression que tout se fabrique et se construit en Ukraine. On voit aussi ce retour de la géopolitique en Italie, où une jeune femme déterminée prend le pouvoir et radicalise politiquement son pays. Oui, sauf qu’on peut ne pas être d’accord avec les thèses de cette dame, mais il faudra bien discuter avec elle.

Car si la petite Grèce a réussi à faire vaciller la zone euro, on ose même pas imaginer ce qu’il en serait avec l’Italie, la 3ème puissance économique de la zone euro. Quant à la Chine, elle se replie sur elle-même. Sa politique de covid-zéro dans des villes entièrement bouclées a des conséquences négatives sur le plan économique mondial. L’application brutale des normes sanitaires fait qu’énormément de cadres européens et américains ne veulent plus travailler en Chine après les horreurs qu’ils ont vu sur place. Quant aux grandes multinationales, y compris des firmes comme Apple, elles diversifient leurs fournisseurs dans d’autres pays, car la Chine est de plus en plus nationaliste et fait subir de plus en plus de tracas administratifs aux grands groupes étrangers sur son territoire.

La bonne nouvelle de ce retour de la géopolitique, c’est qu’elle va unifier l’Europe et la rendre plus indépendante sur tous les plans. Le retour de la géopolitique va aussi faire prendre conscience aux jeunes européens de la chance qu’ils ont de vivre en démocratie. S’ils ont encore un doute, ils n’ont qu’à regarder les derniers calculs établis par certains économistes : aujourd’hui, pour que la Russie puisse maintenir 300.000 combattants sur le terrain, elle doit recruter entre 700.000 et 1000.000 d’hommes. Or, tenant compte du creux démographique des années 1990 à 2000, le pool d’hommes mobilisables entre 20 et 35 ans est de 3 millions de personnes. Autrement dit, sur ce segment, la probabilité d’être mobilisé est d’une chance sur 4 dans les semaines à venir. Quand on sait que sur les 200.000 hommes du contingent de départ de l’armée russe, les économistes estiment qu’environ 40.000 sont morts et 3 fois plus sont blessés ! Voilà pourquoi cette urgence du recrutement. Et voilà pourquoi, il faut bénir chaque jour le fait de vivre en Occident malgré nos difficultés de pouvoir d’achat.

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